lundi 28 décembre 2015

Les Baleines célestes d'Elodie Serrano

Après la fin de son cycle et avoir obtenu l'estampille CoCyclics, Élodie Serrano a accepté de répondre aux questions concoctées par illiane pour Tintama(r)re.
[Pour un petit rappel du fonctionnement des cycles, c'est par ici !]

Logo de l'estampille CoCyclics

Bonjour Élodie : félicitations pour ta fin de cycle !
Merci, il était temps que je termine.

Tout d'abord, est-ce que tu peux nous pitcher un peu ton roman, les Baleines célestes ?
Oui, bien sûr :
À trop vouloir bien faire, on commet des bévues, par exemple laisser filer une baleine céleste, créature destructrice s'il en est. Alexandra Levisky et son équipage se jettent dans le sillage de la fuyarde. Pour l'empêcher d'atteindre le cœur historique de la galaxie, une seule solution : titiller sa corde sensible.

Quelles ont été tes inspirations sur ce projet, autant littéraires que visuelles ?
Hum, la réponse risque d'être décevante.
Je n'ai pas vraiment eu d'inspiration directe. Les deux points de départ ont été l'envie de parler d'un groupe de personnages un peu boulets, un équipage maladroit qui voguerait de bêtise en bêtise. Puis le titre m'a sauté dessus, les Baleines célestes. Je trouvais cette idée d'une créature si massive qui volerait dans l'espace fascinante et merveilleuse. Ensuite, j'ai travaillé à réunir les deux idées qui ne semblaient pas forcément aller en ensemble en premier lieu.
Ce n'est qu'après avoir écrit mon roman que je n'ai découvert que les baleines de l'espace, c'est assez populaire comme idée en fait. Comme par exemple dans un épisode de Docteur Who, ou pas mal d'illustrations (l'une de mes alpha-lectrice ne manque jamais de me les faire découvrir quand elle en trouve une).

Ton roman a obtenu l'estampille CoCyclics en octobre dernier. Comment s'est déroulé ton cycle ? Y a-t-il une phase que tu as préférée ? Quelle a été ta méthode de travail au cours de ton cycle ?
Ce fut long (deux ans, soit deux fois plus long que ce que j'anticipais en termes de durée) et difficile.
Quand j'écris un texte, je suis assez fière du résultat, toujours. Puis quand on me dit ce qu'il ne va pas, je tombe dans l'excès inverse, soit de penser que c'est vraiment nul. Du coup, mon cycle a consisté à osciller entre fierté du travail accompli quand j'ai soumis et terminé les P2 et P4, et déprime intense face aux retours de P1 et P3, où je considérait au final que c'était vraiment bon à jeter. Je suis assez extrême dans l'émotion je pense.
Ma phase préférée a été la P2. J'ai pas mal refondu le texte, supprimé des scènes, ajouté de nouvelles. Un travail de gros œuvre qui a su laisser libre cours à ma créativité pour trouver des solutions aux problèmes soulevés. Cet aspect était moins présent en P4, où j'ai du travailler plus dans le détail, un travail d'orfèvre qui n'est pas vraiment ma tasse de thé, même s'il faut bien en passer par là.
Pour la méthode de travail, j'ai commencé par relire mon roman en début de P2, pour me construire un scène-à-scène sous Excel. Ainsi, en P2 comme en P4, j'ai pu créer une nouvelle fiche et noter sur chaque scène le sort qui lui serait réservé en fonction des remarques de mes bêtas/alphas. Une fois établi mon plan d'attaque, je n'avais plus qu'à m'y atteler, scène à scène. Je pense que cette méthode est plutôt efficace pour moi et je la conserverais pour mes prochains romans.

Dans ton roman, Nathan est un naturaliste passionné par les baleines célestes. Est-ce que ce personnage t'as été inspiré par ta propre passion des animaux ?
Pas le moins du monde.
Nathan est arrivé dans l'histoire comme personnage outil. Un spécialiste de l'espèce qui ne devait, au début, que servir à apporter quelques informations sur les baleines, histoire de ne pas lancer l'équipage trop à l'aveugle dans leur course-poursuite de la créature.
Puis il a pris de l'ampleur bien malgré moi, et gagné son propre point de vue en phase de P2. Pour tout dire, il a fini par surpasser dans mon cœur un autre des personnages du trio principal, Conrad.
Par contre, il est clair que je me suis projeté dans le personnage, pour le côté curieux, scientifique passionné par le vivant, parfois un peu en décalage. Mais pas plus que je n'ai donné à Alexandra certains de mes traits. Même Conrad a bien du prendre de moi, quelque part. J'imagine.

Ton roman appartient à un style un peu inhabituel vu qu'il s'agit d'un space-opera humoristique. N'a-t-il pas été trop difficile de mêler les deux genres ?
Ce n'est pas tant l'aspect space-opera que l'action qui pose souci.
L'introduction d'humour reste délicat, car si l'on veut faire rire, on ne peut pas faire rire n'importe quand. Une blague mal placée, et toute la tension de l'action tombe à plat. C'est ce mariage-là qui a été délicat à manier. En résulte un roman au ton léger, mais on est loin de l'action endiablée aux blagues alignées comme si la vie de l'auteur en dépendait que l'on peut retrouver chez Pratchett.
Sur cet équilibre, l'aide des bêtas a été précieuse. Elles m'ont vraiment permis de cerner les moments où l'humour allait à l'encontre de la progression de l'histoire, afin de mélanger au mieux les deux sans que l'un vole la vedette à l'autre.

Maintenant que tu as terminé ton cycle, tu t'es engagée sur le chemin de l'édition. Comment as-tu ciblé les maisons d'éditions auxquelles tu as envoyé ton roman ?
La question piège. J'avoue être un peu en difficulté sur ce point.
D'une part, parce que la SF n'est pas forcément autant demandée que la fantasy par les maisons. D'autre part parce que j'y ajoute un ton léger qui n'est pas forcément la tasse de thé de tous les éditeurs. En gros, je pars avec un énorme handicap.
Du coup, j'ai pris le Grimoire Galactique des Grenouilles, j'ai coché toutes les maisons qui font de la SF, puis j'ai trié pour voir ceux qu'un peu d'humour pourrait intéresser. Ça ne me fait pas une liste monstrueuse d'envois, mais la légende raconte qu'il suffit d'un seul "oui".

Une dernière petite question pour la route ! En parallèle de tes envois, quels sont tes autres projets en cours ?
Je continue à écrire des nouvelles, inlassablement. J'ai déjà 5 textes à paraître en 2016, ce qui commence à faire une jolie présence dans le monde de la nouvelles je trouve.
Sinon, j'ai participé au NaNoWriMo en Novembre dernier et je devrais bientôt m'atteler aux corrections. Il s'agit d'un pulp, un space-opera, encore un, avec des dinosaures qui parlent et se rebellent contre leurs créateurs. Le personnage principal, jeune femme qui ne faisait que passer par là, se retrouve propulsée au milieu de tout ce bazar et se retrouve porte parole officiel de la cause, rien que ça. Je me suis bien amusée avec, même si j'ai pas mal de gros œuvre qui m'attend pour le faire maigrir dans un format novella plus dynamique.

Merci encore Élodie pour tes réponses et bon courage pour la suite !

Liens

lundi 21 décembre 2015

Interview sur la collection E-courts des éditions Voy'[el]

Aujourd'hui, nous accueillons Manon Bousquet et Tesha Garisaki, qui ont accepté de nous parler de leurs fonctions de co-directrices de la collection « E-courts » des éditions Voy'[el]. Merci à Luxia d'avoir orchestré cette interview !

Logo des éditions Voy'[el]


Avant toute chose, pouvez-vous nous présenter Voy'[el] ?

Voy'[el] est une maison d'édition fondée en 2009 par Corinne Guittaud, axée principalement sur l'imaginaire positif et le rêve. Elle publie de la littérature SFFF, à destination des adultes jusqu'ici (mais une collection jeunesse devrait bientôt voir le jour), ainsi que des art-books. Les romans, anthologies et artbooks sont publiés aux deux formats papier et numérique, les nouvelles et novellas le sont uniquement au format numérique (collection « E-courts »), de même que les œuvres LGBT (romans, nouvelles et novellas, réunis dans la collection « Y »).


Et E-courts ?

E-courts est la collection dédiée aux nouvelles, novellas et séries, créée par Aude Bourdeau en 2013. Il s'agit d'une collection majoritairement numérique, même si des anthologies ou des intégrales de séries peuvent être proposées en impression à la demande.


Maintenant, parlons un peu de vous : quand et comment en êtes-vous arrivées à ce poste ?

MB : Je suis arrivée en septembre 2014. Aude Bourdeau (la créatrice de la collection) avait besoin d'aide, et m'a proposé, ainsi qu'à une connaissance partie depuis, d'occuper ce poste de codirectrice. Et puisque j'adore cumuler plein de trucs en même temps, j'ai dit oui.
TG : De mon côté j'avais le projet de monter une maison d'édition depuis très longtemps, du coup j'ai suivi une formation de correctrice et obtenu un diplôme de gestion d'entreprise, tout en travaillant bénévolement, ou à titre professionnel, pour pas mal de maisons d'édition. J'ai endossé plusieurs casquettes pendant plusieurs années : correctrice, maquettiste, membre de comité de lecture, directrice de collection... Quand Voy'el est devenue une SARL, j'en suis devenue actionnaire et ai intégré ses comités de lecture. Quand la place de codirectrice d'E-courts est devenue vacante, en janvier 2015, je l'ai reprise.


Aviez-vous déjà une connaissance du monde de l'édition lorsque vous avez débuté ?

MB : Une petite. J'ai suivi une formation en correction, je possède des bases de maquette éditoriale, et j'avais déjà dirigé une anthologie.
TG : C'était mon métier.


Pour les lecteurs qui ne seraient pas familiers du monde de l'édition, pouvez-vous expliquer rapidement quel est votre rôle en tant que co-directrices de la collection E-courts ?

Nous recevons les textes, les transmettons au comité de lecture, assistons aux délibérations du comité de lecture, puis nous tranchons en faveur ou non d'une publication. Puis, nous avons en charge les phases de correction éditoriales (direction littéraire, correction orthographique et typographique), la maquette et la couverture, la création des fichiers numériques et leur envoi au diffuseur. Puis vient la phase de promotion, via les réseaux sociaux, les services presse ou encore les concours.


De toutes ces tâches, laquelle appréciez-vous le moins ? Et au contraire, laquelle préférez-vous ?

MB : Mon côté monomaniaque aime les maquettes, et les choix de couverture. Et si j'adore découvrir de nouveaux textes et les voir prendre leur envol, la deuxième phase de correction et au-delà me deviennent vite fastidieuses.
TG : C'est difficile à dire... Les couvertures m'amusent. En revanche, je trouve laborieuse la première phase de correction, quand il faut organiser la réécriture du texte.

Couverture de "Chrysalide" d'Ivan Kwiatkowski


Vous êtes toutes les deux également auteures. Pensez-vous que cette fonction de co-directrices de collection ait changé votre rapport à l'écriture et à la lecture ? Si oui, de quelle manière ?

TG : Je dirais que travailler dans l'édition en général aide à prendre du recul par rapport à son travail. Personnellement, ça m'a rendue plus exigeante envers moi-même.
MB : Oui, c'est plus une globalité, à force de lire d'autres personnes, de travailler avec elles, on se rend compte de ses propres faiblesses. Ça a également changé ma manière de recevoir les corrections, par exemple la gestion des remarques un peu intrusives.
TG : Ça aide également à corriger ses propres textes : avant de soumettre, tu sais déjà ce qu'on va te demander de corriger.


Maintenant que nous en savons un peu plus sur vos postes et vos parcours, je propose de revenir sur la collection dont vous avez la charge. Pour commencer, pourquoi avoir choisi de faire d'E-courts une collection entièrement numérique ?

Principalement pour des raisons financières. Une nouvelle coûterait trop cher à imprimer puis à diffuser : le prix serait trop élevé pour que les gens achètent. De plus, le numérique se prête volontiers au format court, pour lire un texte le temps d'un trajet en bus, par exemple...


Globalement, d'où viennent les œuvres publiées : d'appels à textes, de soumissions ouvertes, de démarchage d'un auteur apprécié ?

De soumissions uniquement.


D'ailleurs, pouvez-vous nous parler un peu du processus de sélection des œuvres publiées ? Quels sont les critères que vous utilisez pour trancher ?

Le respect de la ligne éditoriale ! Un enthousiasme unanime du comité de lecture est un atout majeur, ainsi que la qualité du style et l'originalité de l'histoire. Les nouvelles sont publiées à l'unité, donc il faut qu'elles offrent vraiment un quelque chose de particulier, des idées, un rythme...


Maintenant, nous avons un peu de contexte, nous allons pouvoir passer aux choses intéressantes et parler chiffres et statistiques. Combien d'œuvres compte actuellement la collection E-courts ?

Alors... 13 nouvelles, 1 novella et 1 série.


Pour combien de textes reçus en soumission ?

Depuis septembre 2014, 102, donc près de 200 depuis la création de la collection.


Au niveau des ventes, que pouvez-vous nous dire sur la collection E-courts ? Est-elle rentable ?

Non, pas vraiment. Elle dégage bien quelques bénéfices, mais négligeables comparés à l'investissement nécessaire. C'est un problème récurrent des nouvelles : ce n'est pas rentable.

Couverture de "La Brigade des loups, T1" de Lilian Peschet


Y a-t-il des nouvelles qui se vendent mieux que les autres ?

La série La Brigade des Loups de Lilian Peschet se vend très bien. Chrysalide (Ivan Kwiatkowski) se vend bien également, avec une vingtaine de ventes, et Caver Den (Xavier Portebois) a réalisé un bon démarrage avec une quinzaine de ventes en un mois. Globalement, les nouvelles qui ont été soumises à des offres promotionnelles (réduction ou gratuité) s'écoulent également mieux que les autres, jusqu'à 80 exemplaires.


Bien, je crois avoir épuisé mes questions. Merci pour votre disponibilité, Manon et Tesha, et je vous laisse le mot de la fin : avez-vous un dernier message à faire passer aux lecteurs, aux aspirants auteurs qui seraient intéressés par rejoindre le catalogue d'E-courts, ou encore aux aliens ?

MB : Faites vivre les collections dans lesquelles vous voulez être publiés !
TG : Je conseille aux lecteurs de nous lire pour nous découvrir, aux auteurs de nous lire pour bien cerner notre ligne éditoriale, et aux aliens de nous lire pour se faire une fausse idée de notre civilisation.


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