mardi 21 mai 2013

Mon coach est un poster

Un article de Célia Deiana, membre du forum de CoCyclics et nouvelliste de l'Imaginaire*.

Lorsqu’on écrit, on passe par de nombreuses phases au cours de son travail, qu’il s’agisse de la construction de son histoire, du premier jet, des corrections, des relectures ; voire même de ce temps flou et bizarre, entre deux projets, où il tourne un peu en rond devant son ordinateur – ou son carnet de note.
La plus terrible de ces phases reste, peut-être, le doute. Vous savez, ce sentiment insidieux qui vous fait passer de l’assurance – je suis un auteur ! – à l’horreur intégrale – je ne sais pas écrire, du tout.
Or, dans ces moments, l’auteur peut se tourner vers différentes ressources pour remonter la pente.
Il y a bien entendu les grands classiques gastronomiques comme le thé, le café, les bonbons, les petits gâteaux. C’est sympathique mais au bout d’un moment il faut aussi changer la taille du fauteuil de bureau et prendre rendez-vous chez le dentiste. On peut aussi passer un certain temps à caresser son chat, mais là, il faut avoir un chat ; et quand on en a un, éviter qu’il prenne trop l’habitude de dormir sur le clavier. Eh oui, quitte à retrouver le goût d’écrire, qu’au moins on puisse avoir toujours accès à ses outils.

Ensuite il y a les copains. Pas la famille ou les potes du boulot qui ne comprennent de toute façon pas ce que vous faites, mais ceux qui sont dans la même situation que vous. Et là, insistons sur le « dans la même situation que vous » : ils seront aussi déprimés, vous diront que eux, c’est pire, ou vous parleront la prochaine étape. Du genre : vous doutez de votre script, ils vous parlent des blocages sur le premier jet ; vous bloquez sur le premier jet, ils cassent des chaises sur leurs corrections ; vous vous noyez dans les adverbes et les fautes d’orthographe, ils vérifient leurs boîtes mail toutes les trois minutes dans l’attente d’une réponse d’éditeur. Donc, les copains c’est sympa, mais des fois, ça ne va pas du tout.

Alors on pourrait se tourner vers les ouvrages théoriques ou relire son roman préféré. Sauf que, de temps en temps, on a besoin de quelque chose de plus direct, de plus fort, de plus violent… sans avoir à se taper deux-cents pages.
Du coup, ne sachant que faire, on cède au Grand Mal du Siècle : on procrastine. on surfe sur le net. on s’échappe et se met les mains sur les oreilles en chantant : « non, non, non, je n’ai pas de choses urgentes à faire. » Mauvaise – ou bonne ? – stratégie parce que c’est là qu’on va trouver sa solution.
Le poster.
Faute d’autre nom voici la définition du poster : une illustration, contenant le plus souvent uniquement du texte, mais pas que, et donnant, en un maximum de vingt lignes, des conseils si évidents qu’on se demande pourquoi on n’y avait pas pensé avant. Les posters peuvent aussi être de simples allégations, des mots d’ordre, des mottos courts qui font du bien.

« Écrire me rend heureux ! »
Certains posters se constituent de petites pensées optimistes. De celles qui ramènent aux sources de l’écriture : j’écris donc je suis, j’écris parce que je ne sais pas faire autrement, j’écris parce ça me fait du bien. C’est un peu ridicule, pas très important, cela ne vaudra jamais une conférence, un livre, ou une discussion endiablée avec d’autres auteurs ou lecteurs ou amis. Mais ça fait du bien. Retrouver les fondamentaux en quelque sorte.

« Écris ! Écris ! Écris ! »
D’autres sont des ordres. Ils fleurissent sur le net aux environs du nanowrimo**, un peu avant et surtout pendant. Sous des apparences légèrement masochistes, ces ordres poussent à mieux faire, et surtout, à faire bien : s’astreindre à écrire tous les jours, se pousser à penser avant d’écrire, à faire de l’ordre sur son bureau comme dans sa tête. Cela tombe sous le sens et on devrait ne pas avoir besoin de se le faire rappeler. Mais des fois, il le faut. Et ça fait du bien.

« Les bons livres ne livrent pas tous leurs secrets en une seule fois » Stephen King.
Il y a les citations aussi. D’auteurs qu’on aime ou qu’on ne connaît pas. D’écrivains, mais aussi de musiciens, de scénaristes, bref de toutes ses professions où les artistes ont débuté seuls face à une page blanche.
On a tous commencé comme ça.
On a tous pensé ça.
Et puis on est tous un peu fan sur les bords. On aime bien partager les avis des gens qu’on admire. Et ça fait du bien.

« Mais je suis nul ! »

Une dernière catégorie ajoute un peu d’humour à tout cela. Ces posters – souvent des strips d’ailleurs – démontrent que tous les auteurs passent par les mêmes interrogations. La phrase qui revient le plus étant « je suis vraiment nul ». Quelque part, cela fait plaisir de partager cette vérité universelle avec quelqu’un d’autre, de savoir qu’on n’est pas tout seul à se prendre pour le dernier des idiots pour avoir envie d’écrire. Masochisme encore ? Et si c’était une simple manière de dédramatiser l’écriture ? Que cette activité si vitale pour nous pouvait être relativisée ? Cela s’appelle prendre de la distance ; cela s’appelle aussi voir les choses avec humour.
D’un point de vue personnel, je pense même que c’est le genre de poster qui fait le plus de bien.

Cet article pourra paraître un peu léger mais c’était bien le but.
Et puis, croyez-en mon expérience : la légèreté peut être le meilleur des remèdes, les phrases courtes, le moyen de plus efficace d’aller de l’avant, et une accroche la chose la plus simple à retenir… et à appliquer !

Je suis le capitaine de ces mots.
Je suis le roi de cette histoire.
Je suis le dieu de ces lieux.
Je suis un écrivain, et je vais finir ces bêtises que j’ai commencées.***

Amen

Note : L'intégralité des images et conseils donnés dans cet article sont issus du blog Little Writing Things : http://a-writers-littlethings.tumblr.com/ En plus des graphismes dont notre article parle, ce blog propose aussi de multiples ressources pour les auteurs. En anglais.
 *Présentation de l'auteur de l'article :
Célia Deiana : Je tenais à partager mon expérience d'apprentie auteure stressée professionnelle avec les lecteurs et lectrices de ce blog. En espérant que cela a pu vous aider ou au moins vous faire sourire.
Vous pouvez retrouver mes travaux plus sérieux ici : http://domudeigiana.net ou atterrir sur mon blog : http://fraizochocolat.wordpress.com 
**Nanowrimo : National November Writing Month ; challenge international, bénévole et amateur, dont le but est de coucher 50000 mots sur le papier ou l'écran, en un mois. http://fr.wikipedia.org/wiki/NaNoWriMo

*** La dernière citation est une parodie du poème de William Ernest Henley, Invictus, paru sur le blog de l'auteur Chuck Wendig, Terrible Minds. Contribution anonyme mais l'article est intéressant http://terribleminds.com/ramble/2012/02 ... g-writers/



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