lundi 2 février 2015

Creep Show de Célia Deiana

Après la fin de son cycle et avoir obtenu l'estampille CoCyclics, Célia Deiana a accepté de répondre aux questions concoctées par Booz pour Tintama(r)re.



Bonjour Célia et merci d'avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions.
Tout d'abord, peux-tu nous présenter ta novella Creep Show en quelques phrases ?

Bonjour !
Creep Show est parti d'un exercice de style. C'est un peu comme si je m'étais levée un matin en me disant : « Tiens, je vais écrire un film d'horreur ». Je garde le mot « film » parce que c'est vraiment une source première d'inspiration ; je suis fan des maisons à recoins et un peu bizarres. Alors j'ai pris un panel d'étudiants, accompagnés de trois enseignants ; je leur ai offert un week-end de détente organisé par leur club de cinéma ; et j'ai attendu que la maison les détruise peu à peu. Sous l'influence de la maison et de son propriétaire, chacun voit ses névroses se démultiplier. Des angoisses, des peurs et des remords ressurgissent. Un de mes personnages par exemple est une ancienne dépressive qui a déjà fait des tentatives de suicide aux médicaments, et elle va passer ces deux jours à goinfrer ses camarades de calmants et de somnifères ! Mais mon héros, David, est différent : il est condamné par le Sida et il n'a rien à perdre. Sa tête est déjà un cimetière donc la maison a moins d'emprise sur lui.



Je me souviens effectivement de David qui m'a toujours paru touchant. Le lien entre la maison et lui semble particulier, peux-tu nous en dire plus sur lui et les raisons de sa présence ?

David était « le » point casse-gueule du récit. On dit toujours qu'il ne faut pas trop dramatiser la situation des héros, mais lui n'est vraiment pas gâté. Il s'est fait virer de chez lui après son coming-out, est monté sur Paris, a été infecté par le virus du sida, a fini dans un centre d'accueil... Une amie l'a sauvé, fait remonter la pente, il a pu reprendre ses études. Au début de Creep Show, il vient de larguer son copain du moment et apprend que le virus est passé en phase active. David s'est construit sur les reproches, les non-dits et les prévisions dramatiques que son père lui a envoyées à la figure quand il est parti. C'est un garçon qui pense à la mort constamment, qui cherche l'affection partout où il peut, qui paraît faible mais qui tire de sa détresse (et de son entêtement violent) une très grande force.


Effectivement, tu n'y es pas allée de main morte sur l'aspect dramatique de ton héros. Maintenant, tournons-nous vers le début de la rédaction : une maison hantée, une atmosphère oppressante, des personnages aux multiples secrets, comment s'est passée la phase d'écriture et pourquoi avoir choisi de faire passer le roman par le cycle ?

La phase d'écriture a été très rapide. Au départ, Creep Show était une novella d'une quarantaine de pages, avec une tension et une action très concentrées. C'était un peu le défi de rester sur un seul lieu, un seul personnage et un temps limité, mais en deux semaines l'histoire était bouclée. J'aurai ensuite pu demander une correction à une de mes lectrices habituelles. Cependant, j'avais non seulement envie de proposer mon texte à des yeux neufs, mais aussi de bénéficier d'un cadre solide pour mes corrections. J'ai horreur de reprendre un texte et avec le système du cycle, j'ai bien été obligée d'y passer ! Ça a été une bonne expérience pour moi et une chance pour le texte.
À la fin, la novella s'est étoffée, j'ai privilégié un point de vue multiple, histoire de préserver un peu le cœur des lecteurs. Visiblement, la tension resserrée l'était vraiment et il y avait trop peu de respirations dans la première version. Il y en a davantage maintenant, mais je crois que la maison a gardé toute sa bizarrerie et que les futurs lecteurs en auront encore pour leurs... battements de cœur.


Tu as donc dû faire un grand nombre de remaniements. Qu'est-ce qui a été le plus difficile à modifier ?

J'ai rajouté deux points de vue à mon récit : celui de l'amie de David et celui d'un des enseignants. Et autant j'ai l'habitude des personnages tels que David ou Virginie, autant celui de l'adulte plus âgé et mûr a été beaucoup plus compliqué. Et puis il a fallu récrire certaines scènes selon un point de vue différent, dans un récit où les névroses personnelles de chacun prennent souvent le pas sur la réalité. Ce n'était pas facile mais avec un bon tableau Excel dans lequel j'ai pu diviser toutes mes scènes et mes points de vue, j'y suis arrivée.


Tu dis avoir voulu écrire un « film d'horreur ». J'imagine que tu t'es inspirée de certains d’entre eux pour imaginer ce récit. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ces sources d'inspiration ?

C'est bizarre parce que les deux films auxquels je pense tout de suite ne sont pas des films d'horreur. L'un, pour l'ambiance, est Ceux qui m'aiment prendront le train, du grand Patrice Chéreau. À l'occasion d'un enterrement, tout un groupe de personnes se retrouve dans une vieille et grande maison familiale. Personne ne dort vraiment et on passe d'une pièce à l'autre, d'une discussion à l'autre, avec des tensions, des moments de calme... Un autre film est 13 Tzameti, un film tourné en noir et blanc où un jeune travailleur migrant se retrouve dans une maison au fin fond de tout, où des gens parient... sur des jeux de roulette russe. Chaque parieur choisit un joueur et le jeune homme se retrouve avec un canon de revolver sur la tempe, alors que lui-même tend un pistolet sur le crâne d'un autre joueur. Il y a une ambiance très spéciale dans ce film plein de tension, que je ne saurai que conseiller à tout le monde. Sinon d'autres films plus classiques m'ont permis de modeler Creep Show, mais moins peut-être. Je reste une fan de films de genre, même si j'en regarde moins aujourd'hui, comme Hostel II, The Grudge, Poltergeist ou Saw (les deux premiers, j'ai trouvé le troisième répétitif et je n'ai pas vu les autres). Mais la plupart des films de maison hantée jouent plus sur la souffrance physique. Ce sont souvent des films de fantômes ou alors des films où le mal est orchestré par un grand manipulateur. Je pense que Creep Show est plus viscéral que ça, peut-être à la manière de Shining (mais sans le talent du King ou de Kubrick, puisque j'aime les deux versions). Bon après, les amateurs verront dans deux éléments « enfantins » de Creep Show une allusion tout à fait assumée à la cinématographie japonaise, notamment Black Water.


Et maintenant que Creep Show vole à la recherche d'éditeurs, sur quels autres projets travailles-tu ?

Alors en ce qui concerne les projets, survivre à un hiver particulièrement froid serait déjà bien ! En plus de l'écriture je suis membre active d'Amnesty International et cela me prend beaucoup de temps. Mais pour rester dans le domaine de la fiction j'ai quatre petits projets en cours, notamment une trilogie de fantasy urbaine très éloignée des romances paranormales qui sont devenues presque synonymes du genre. Ça parle de filiation, de meutes et d'extrême droite... Tout un programme ! J'aimerais aussi tenter quelques textes en jeunesse et YA (Young Adult). J'ai un manuscrit en cours de soumission avec un héros transgenre qui bute du dragon mais je pense le reprendre entièrement après quelques retours d'éditeurs. Et puis je pense aussi m'intéresser aux Amazones. Je crois que j'ai un gros faible pour les héros "de genre" pour reprendre ce mot si incompris et si brocardé par quelques extrémistes de mauvais augure (oups, je ne lâche pas mes motivations politiques aussi facilement).


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