dimanche 27 juillet 2014

Imaginales 2014 - Speed dating saison 6, ép.2

Et voici le second épisode de la saison 6 du « speed dating » des Imaginales 2014 : l'évènement du point de vue des auteur·e·s candidat·e·s.

À ma gauche, Magali Lefebvre (Lullaby) et Aurélie Gisbert (Lilie), jeunes auteures ayant déjà publié des nouvelles et dont les romans & novellas présentés au speed dating profitent des sections Challenges 1er jet et Cycles du forum CoCyclics.

Un grand merci à Lullaby et Lilie pour leurs témoignages !


Chaque année depuis 2009, dans un lieu tenu secret à quelques pas du site du festival, se tient un rendez-vous confidentiel entre jeunes auteurs et éditeurs : le « speed-dating » façon Imaginales. Des éditeurs (pas plus de trois ou quatre) viennent rencontrer des auteurs motivés pour parler de leur(s) projet(s) de roman(s). Les deux règles implicites : venir avec au moins un roman finalisé et ne pas dépasser le temps imparti pour chaque éditeur...
En 2014, nous avons sauté le pas, coachées par les super Silène Edgar et Élise Dattin. Alors, afin de ne rien passer sous silence, il nous faut retourner dans le temps, avant le « moment M » où la rencontre a eu lieu.

AVANT

Façon Lullaby :
Les Imaginales, je ne m'y suis pas rendue depuis plusieurs années et je ne sais pas si j'aurai l'occasion d'y retourner très régulièrement. Alors, malgré un roman loin d'être prêt – il attend la phase de grosses corrections – et une novella en cours d'écriture, je décide de sauter le pas et de m'inscrire au speed-dating des Imaginales. Je ne sais pas si j'aurai à nouveau l'opportunité d'y aller alors, go ! Ça me motivera d'autant plus pour finir la novella (le roman, je ne me fais pas d'illusions, ne sera jamais peaufiné d'ici-là).
Alors que je m'étais fixée un planning journalier pour achever à temps ma novella, tout concourt pour m'en empêcher et je me retrouve avec un texte à moitié fini quand tombe le mail me confirmant mon inscription au speed-dating. Brusquement, la réalité reprend ses droits. Jusque là, je n'étais pas sûre que j'en serais – ah, l'éternel manque de confiance en soi de l'auteur débutant ! Le mail arrive moins de deux semaines avant le jour J. J'ai dix jours pour terminer ma novella. Panique à bord ! Heureusement, les grenouilles sont là pour m'épauler. En effet, le forum comporte une section « Challenge 1er jet » où l'on peut ouvrir un topic correspondant à son projet en cours. C'est le cas de ma novella ; plusieurs membres du forum suivent ma progression de près et j'ai même une marraine ! Tous me motivent par leurs mots et leurs attentions, ma marraine se propose même pour relire rapidement le début, je me sens soutenue et cela m'aide à mettre les bouchées doubles sur la novella.
Lorsque la veille du départ arrive, la veille du jour J, je n'ai certes pas terminé mais bien avancé, je peux donc garantir aux éditeurs une œuvre terminée dans la semaine qui suit l'entrevue. Par ailleurs, le retour de ma marraine est plutôt positif, je pars donc confiante.
Mais le stress, ce fourbe, reviendra en mode puissance mille au moment du rendez-vous. Je m'agrippe à mon cahier de notes et à mon manuscrit inachevé, comme aux participants. Je papote beaucoup pour tromper mes nerfs en pelote et mon stress monte d'un cran quand je vois des manuscrits épais, des projets achevés, ficelés, peaufinés.
Heureusement, je ne suis pas la seule à présenter un texte non terminé (le stress redescend) et nous sommes coachés par Silène Edgar et Paul Beorn, auteurs notamment de 14-14 (Castelmore), et Élise Dattin, qui, après les explications sur l'organisation, se montrent disponibles pour répondre à nos nombreuses questions.
Je demande conseil pour le choix des éditeurs, expliquant que mon texte est du fantastique gothique. Je m'oriente donc vers Mnémos et L'Atalante. Deux maisons qui font rêver, que je connais bien en tant que lectrice comme par mon travail de bibliothécaire.
Le moment M approche, j'essaie de ne pas y penser tout en gardant en tête mon pitch, je discute avec ma petite tablée. Tout le monde est fébrile en attendant le retour des premières personnes qui passent devant les éditeurs – selon leur tête, on saura si l'on doit stresser davantage ou pas – alors on plaisante, on déguste sa boisson en essayant de ne pas laisser trop de prise à l'anxiété.

Façon Lilie :
Ça me trottait en tête depuis pas mal de temps, déjà. J'avais ce roman de fantasy terminé, un autre d'anticipation bien entamé, et l'envie de me frotter aux éditeurs, comme un défi. Vérifier si j'étais capable d'aborder mes projets en véritable professionnelle, les défendre sans trembler.
Et puis un ami avait expérimenté ce fameux speed-dating avec brio l'an passé. Il avait même décroché un contrat. Parce que oui, au-delà du challenge, de l'exercice de communication, il y a aussi l'opportunité de prendre contact avec un éditeur et de concrétiser... Mais à cette époque, je n'ose pas vraiment finir cette phrase. « On verra plus tard », je me répète en boucle. Pourtant je fais partie de ces auteurs en herbe dont l'espoir ne les lâche pas. Alors je me fais une promesse, trois mois avant les Imaginales : je vais envoyer cette candidature. En 2014, je serai au speed-dating, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige sur Épinal.
De cette promesse, découle toute une préparation. Impossible d'arriver les mains vides devant l'éditeur, je suis quelqu'un qui a besoin d'anticiper un maximum afin de limiter le stress. Pour chaque roman, je prépare le quatuor magique : pitch écrit, synopsis, pitch oral, et puis l'extrait. Impressions à gogo (la forêt amazonienne me balance des reproches silencieux). Je retravaille les premières lignes, je relis une dernière fois mon roman complet. Des amis patients (merci Paul, Mathieu, Élisa) et mon miroir à l'entrée de mon appartement me prêtent des oreilles attentives. J'ai l'impression de m'entraîner pour un examen, mais je me connais : il n'y a que cette méthode qui me permet d'être sereine, alors je continue.
Jusqu'au dernier moment ou presque.
Vendredi, une heure à peine avant le départ, je passe une première « épreuve ». L'ayant rencontré par ailleurs, j'aborde mes deux projets avec Stéphane Marsan (Bragelonne) sur une pelouse ensoleillée du festival. Le cadre est détendu, mais il n'empêche : c'est déjà un aperçu de l'avenir proche, pour moi. Je reçois des conseils de dernière minute, et une première demande de manuscrit(s). Je peux souffler, j'ai franchi le test avec succès.
M moins 30 minutes : Silène Edgar nous rejoint à l'accueil du site du festival. Nous sommes une petite quinzaine à attendre le départ, quelques grenouilles font partie du groupe, nos amis et soutiens aussi. Je m'agrippe à mon portfolio lorsque j'entends quelles seront les trois maisons présentes. Dans le lot, à côté des éditions Mnemos et Bragelonne, L'Atalante sera là. Autant l'avouer tout de suite, je rêve d'être éditée chez ces derniers depuis dix ans. L'Atalante, pour moi, c'est un rayonnage entier de ma bibliothèque, c'est Pratchett, Bordage, ce papier épais au grain percevable, ce sont ces couvertures colorées, ces brochés au format atypique…
La tension monte d'un cran tandis que Silène nous guide jusqu'au lieu-surprise, un salon de thé à l'ambiance zen sur deux étages.
On nous installe au premier, et notre coach nous explique comment va se dérouler le speed-dating. Nous avons pour tâche de choisir deux éditeurs parmi les trois présents ce jour-là, alors pour ma part, je ne réfléchis pas : ce sera l'Atalante et Mnémos. Chacun notre tour, lorsqu'on nous appellera, on devra gravir les escaliers et se rendre au second, où nous attendent les éditrices. On nous rassure sur le côté bienveillant de la rencontre, et sur le fait que, « oui, le speed-dating, ça fonctionne lorsqu'on veut être édité ! ». La preuve, un auteur est là pour témoigner. Mais attention, nous sommes nombreux, et elles ne sont que trois : lorsqu'on nous signalera que l'entrevue est terminée, il faudra laisser sa place afin de rester dans les temps.
M moins… ? Je ne veux plus penser à rien. Ou alors, parler de choses légères, plaisanter, faire rire. Il sera bien temps de paniquer lorsque je serai en face de mes interlocutrices.

PENDANT

Façon Lullaby :
Mnémos est la première entrevue. Je présente ma novella mais, une fois mon pitch terminé, je précise que c'est une novella et Nathalie Weil m'explique que la maison ne prend pas ce format. Elle l'annonce avec bienveillance, mais pour moi cela fait l'effet d'une douche froide. Pourtant, l'éditrice ne me lâche pas dans la nature pour autant, comme je lui ai évoqué un roman en cours, elle m'explique le fonctionnement de leur comité de lecture, avec beaucoup de détails, une information dont elle pense qu'elle me sera utile lorsque j'aurai terminé mon roman. Elle a raison, mais sur le coup, je suis trop submergée par l'anxiété pour m'y attarder.
Lorsque je redescends, je suis dans un tel état que je me demande si je ne vais pas abandonner tout court le speed-dating. Un petit coin de ma tête, encore rationnel, me rappelle que j'ai lu un témoignage sur CoCyclics qui évoquait une grenouille présentant un projet jeunesse alors qu'il n'y avait que des éditeurs adultes. Et que bon, hein, Nathalie Weil ne m'a pas non plus mangée toute crue sur place, alors ça suffit de stresser ! Je demande donc conseil à mes coachs avant de m'enfuir à toutes jambes. Je fais bien. Silène Edgar et Paul Beorn me réorientent de suite vers Bragelonne. Et là je réalise que j'ai fait une erreur : j'avais complètement oublié de préciser qu'il s'agissait d'un format particulier !
Je vois ensuite la directrice de la collection Milady (qui représente Bragelonne pour l'occasion), avec beaucoup d'appréhension mais avec un peu d'espoir aussi. Cette fois, je précise de suite qu'il s'agit d'une novella. Alice Arslanagic m'indique qu'avec la collection numérique Snark, tout est permis et m'invite donc à poursuivre. Je me lance, explique mon projet. L'éditrice prend des notes, pose des questions (longueur estimée du texte fini, etc.) et fait des remarques, montrant son intérêt. À la fin de l'entrevue, elle m'invite à lui envoyer la novella une fois celle-ci terminée. Je ressors toute ragaillardie et motivée pour terminer mon texte.

Façon Lilie :
Le stress peut connaître mille et une variations. Personnellement, ça ressemble à des pics aigus, le coup de poignard qui va bien avant le début des hostilités, et que je parviens à oublier de deux manières : soit en jouant les pitres, soit en étant totalement concentrée sur la tâche à accomplir.
Aussi, une fois les marches gravies et les cinq premières secondes de ma présentation passées, tout va mieux. Ma voix se fait plus claire, je ne tremble pas. Les éditrices sont des êtres humains comme les autres, non ? Avec un avis d'expert sur l'écrit, certes, mais rien d'insurmontable en soi. Et la bienveillance de celles qui nous rencontrent est appréciable. On sent un véritable intérêt pour les projets, et pas seulement pour le texte, mais pour la volonté de l'auteur. Une fois le pitch déclamé, les questions font leurs apparitions : « Parlez-moi des personnages du récit », « Quel est la taille du roman », « À quel public est-il destiné ? », « Quels thèmes abordent ce roman ? », etc.
Je rencontre d'abord Nathalie Weil (Mnémos), où ma concentration est à 100% et mon stress à 0%. Les deux romans sont susceptibles d'intéresser sa maison : Nathalie me laisse ses coordonnées. Le sourire aux lèvres, je redescends pour une pause, et enfin arrive l'entretien avec Mireille Rivalland (L'Atalante). Là, c'est à croire que l'épreuve nécessitait d'être corsée : nous sommes distraites par du bruit en provenance de l'extérieur, on doit s'interrompre quelques secondes à cause d'une fanfare sous les fenêtres du salon de thé… Et le temps imparti qui s'égraine sans que l'on ne puisse rien. Concentration : 60% ; le stress refait son apparition en plein milieu de la discussion. Heureusement, la gentillesse de mon interlocutrice et l'intérêt qu'elle manifeste balayent cette difficulté impromptue. Mon style est apprécié, l'idée de mon roman d'anticipation plaît et pourrait rentrer dans la ligne éditoriale. Il n'en fallait pas plus pour effacer une bonne fois pour toute la tension accumulée. On me fait signe que c'est la fin, alors je remercie mille fois et je quitte la salle d'entrevue.

APRÈS

Façon Lullaby :
Les rendez-vous terminés, je prends en note tout ce qui m'a été dit, tant par Alice Arslanagic (Bragelonne) que par Nathalie Weil (Mnémos). C'est à ce moment, d'ailleurs, que je prends enfin conscience des informations précieuses que m'a données Nathalie Weil. La petite voix rationnelle ne peut retenir un « tu vois ! ». Me voilà boostée pour avancer dans les corrections de mon roman, afin de l'envoyer ensuite à Mnémos !
Avec le recul, je réalise que ces deux entrevues se sont chacune avérées enrichissantes à leur manière. Celle avec Mnémos m'a permis d'apprendre à présenter un projet sans omettre les détails importants, comme le format (novella, roman…), à bien cibler son éditeur et à connaître son processus de sélection. Celle avec Milady m'a permis de voir que mon projet intéressait, même si je sais qu'un envoi de manuscrit ne signifie pas pour autant une publication au bout. Mais savoir que l'histoire intéresse est déjà un bon point.
Dans les deux cas, je rentre chez moi très motivée pour me remettre à mes travaux d'écriture – finir la novella, les corrections du roman et me lancer dans ces autres projets qui patientaient.
Le speed-dating, qui permet de se frotter pour la première fois aux éditeurs de visu, fut véritablement une grande expérience. Une expérience humaine – non, les éditeurs ne sont pas des ogres dévoreurs d'écrivains débutants – autant que professionnelle, passionnante et enrichissante. Et, malgré les montagnes russes des émotions, c'est une expérience qui vaut largement la peine d'être vécue.

Façon Lilie :
Ça y est, c'est terminé, je peux enfin souffler. Mon sourire ne m'abandonnera pas du weekend, car le bilan de ce speed-dating est ultra-positif.
D'abord concernant le défi en soi : j'ai la satisfaction personnelle d'avoir rempli l'objectif que je m'étais fixée, à savoir rencontrer les éditeurs et apprendre à parler de mes projets d'écriture. Parce que oui, le métier d'auteur ça s'apprend, et la communication, à l'oral comme à l'écrit, ça se maîtrise !
Ensuite, pour la promesse que ces trois maisons d'édition liront mon manuscrit avec le même intérêt témoigné durant ces entretiens, ce qui est important lorsqu'on souhaite être lue. Je garde en tête que ces rencontres ne sont pas synonymes de publication, cependant le speed-dating (et le festival) m'a donné la chance incroyable de pouvoir présenter mon travail directement à des éditeurs, et je sais combien ce n'est pas donné à tout le monde.
Enfin, parce qu'après une expérience comme celle-ci, je ne désire qu'une chose : retrouver ma plume (enfin, mon clavier), terminer mon roman en cours, concrétiser les autres romans qui me trottent en tête, et écrire encore et toujours ! J'ai de l'énergie à revendre, des idées et des envies plein la tête. Et rien que pour cette raison, le speed-dating est à vivre absolument.

Liens

2 commentaires :

  1. Merci pour cet aperçu de l'étrange jeu qu'est le Speed dating ! On sent que malgré tout ce stress, ces rencontres n'ont pas été faites en vain. Je croise les doigts pour que tout cela débouche sur de beaux romans publiés, en numérique comme en papier ;)

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  2. Merci pour ces témoignages, les filles !!! Je suis en train de préparer tout ça (oui, c'est dans 3 mois donc... c'est très bientôt !!! :-o)

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