Merci à Francis Ash et Audrey (Ayalys) pour cet article !
Nous étions en direct d'Épinal, en cette chaude journée du vendredi 23 mai, prêts à une mémorable confrontation, entourés chacun de nos co-équipiers respectifs. Dans quelques minutes, nous allions dégainer nos ordinateurs, faire chauffer les neurones à blanc, et entamer l'épique match d'écriture annuel des Imaginales.
N'imaginez pas une ambiance digne d'un western de Sergio Leone, avec les dix-huit paires d'yeux des protagonistes plissés par la détermination et l'angoisse. Le match des Imaginales est un concours d'écriture, il se déroule dans le décor paisible et feutré de la grande BMI :
L'organisatrice de l'évènement, Magali Couzigou pour le Club Présences d'Esprits, accueillait les participants au fur et à mesure des arrivées. Sympathique et avenante, elle nous rappela que le match existe depuis 2012. Depuis, chaque année, six équipes de trois auteurs s'affrontent autour de trois thèmes. Au besoin, ils peuvent demander jusqu'à deux contraintes supplémentaires, qui leur procure alors du temps en plus. Leur but est de réaliser la meilleure nouvelle possible. Quatre équipes sont constituées d'auteurs amateurs et deux autres de professionnels de la plume qui sont invités par le salon des Imaginales.
Cette année, les professionnels présents étaient Cindy Van Wilder, Anne Rossi, Thomas Geha, Jean-Claude Dunyach, Jeanne A. Debats et Sylvie Lainé.
L'équipe gagnante verrait ses textes publiés en l'état, sans relecture ni correction dans un numéro d'AOC.
F. Ash : Audrey, dis-moi : comment s'est formée ton équipe ?
Audrey : Pour ma part, j'ai rejoint l'équipe de Célia et Ioana. Elles avaient déjà participé et gagné l'édition précédente avec Anne Rossi et comptaient bien renouveler l'expérience cette année. Anne ayant rejoint le côté "pro" cette année, il leur manquait une équipière. Ioana m'a proposé de prendre sa place. Comme j'avais failli tenter l'expérience l'année dernière (cela s'était joué à une place), j'ai accepté. Je crois qu'il a bien fallu deux jours pour que je commence à angoisser face à la pression de rejoindre l'équipe qui avait gagné alors que j'avais si peu d'expérience des nouvelles courtes.
Et de votre côté ? J'ai cru comprendre que c'était la première fois que vous participiez tous les trois : qui en a eu l'idée et comment avez-vous formé votre équipe ?
F. Ash : Chez nous, ça a été un peu différent. Anaïs en avait parlé sur le forum, mais je ne savais pas bien de quoi il s'agissait. Alors, je me suis renseigné auprès de Magali Couzigou par mail, pour qu'elle m'explique le principe, et qu'elle m'envoie les sujets des années précédentes. Le principe m'a plu, donc je me suis lancé. Guillaume nous a vite rejoints.
Audrey : Pas trop d'angoisse entre le moment de l'inscription et celui du match ? Ce n'est pas un exercice facile que d'écrire sur un sujet inconnu en temps limité. Tu t'y es préparé ?
F. Ash : Un peu d'appréhension quand même, mais l'idée me plaisait. Ça représentait un sacré défi pour moi qui n'avais encore participé à aucun AT. Je me suis entraîné sur trois sujets des années précédentes, en respectant le timing imparti. Sauf que j'avais mal compris : je pensais qu'on avait 8 minutes de réflexion et ensuite 1h45 de rédaction (en réalité, c'est 1h45 en comptant les 8 mn de réflexion).
Et toi, tu avais peur avant de venir ?
Audrey : Ce qui me terrifiait le plus, c'était l'idée du temps limité. Je n'avais jamais écrit de nouvelles courtes et mon expérience des nouvelles était très limitée. Du coup, Ioana m'avait proposé de nous entraîner en se mettant en condition. Finalement, c'est tombé à l'eau parce qu'on n'a pas trouvé l'occasion de se retrouver. J'aurais pu travailler de mon côté mais je connaissais les anciens sujets. Or, une des difficultés du match réside dans la découverte au dernier moment des thèmes sur lesquels on doit écrire. J'ai donc choisi d'apprendre à connaître mes capacités en testant à quelle vitesse je pouvais écrire. J'ai ainsi pu déterminer quelle taille maximum je pourrais me permettre suivant le temps dont je disposerais.
Et nous voilà donc, plus ou moins angoissés, plus ou moins préparés, à attendre le début du match (une partie des auteurs professionnels ont eu quelques soucis pour nous rejoindre). Magali nous a accompagnés dans la salle où se déroulera le match. Le grand moment approchait, cela commençait à se sentir.
Audrey : J'ai retrouvé mes coéquipières directement sur place. Elles avaient l'air détendues (enfin plus que moi, ce qui n'était pas très compliqué) et je tentais de déstresser en martyrisant une bouteille d'eau (paix à son âme).
F. Ash : Chez nous, c'était assez amusant. Anaïs était stressée – elle qui dit quelle n'est pas vraiment taillée pour les nouvelles –, Guillaume affichait une confiance à toute épreuve, et moi je tâchais de rester concentré.
Plusieurs petites étapes ponctuaient l'événement en lui-même. En premier lieu, il fallait désigner un capitaine qui aurait l'immense honneur de tirer l'image qui représenterait l'équipe.
Audrey : Chez nous qui allions devenir les Chats-Pitres, le choix a été vite fait. D'un commun accord, les filles m'ont désignée vu que j'étais la petite nouvelle et que je découvrais le match d'écriture. En apercevant l'image, j'y ai vu un bon présage (C'était une représentation du Chat du Cheshire d'Alice au pays des merveilles, qui a donné son nom à mon propre chat).
Comment avez-vous décidé dans votre équipe ?
F. Ash : Quand il s'est agi de désigner un capitaine, dans la mesure où j'avais fait les démarches pour nous inscrire, les regards de mes coéquipiers se sont tournés vers moi. Nous sommes donc devenus les Cyclopoilus parce que ma main s'est posée sur la carte qui représentait un cyclope orange à la pilosité surabondante.
Puis, après nous avoir expliqué les règles et nous avoir laissés nous installer, vint le grand moment du tirage des trois sujets.
F. Ash : Quand les sujets ont été annoncés, j'étais plutôt content parce que deux d'entre eux me parlaient. Nous nous sommes concertés, la répartition a été simple : Guillaume était le seul qui avait envie de bosser sur « Nouvel organe, nouveau membre greffé. Aïe il y a un bug ». Anaïs était plus attirée par « Ma voix est mon arme, mon sang ma défense », et de mon côté je me sentais très à l'aise avec « Je meurs toutes les 30 minutes. »
Comment as-tu vécu l'annonce des sujets de ton côté ? La répartition a été facile de votre côté ?
Audrey : J'ai eu un gros pic d'adrénaline à ce moment-là : j'attendais l'annonce avec angoisse en espérant qu'un des sujets stimulerait mon imagination. Pour la répartition, j'essayais de ne pas m'en faire.
J'ai eu de la chance : à l'énoncé, le déclic s'est produit sur le troisième sujet, collant avec une idée qui restait de côté. Il était temps de s'occuper de la répartition entre nous. Au final, Celia se sentait à l'aise sur les trois sujets, Ioana sur deux, elle s'est effectuée de façon tout à fait naturelle. Nous avons discuté de nos premières idées respectives.
Une fois les sujets répartis entre les différents membres des équipes, il était temps de décider si l'on souhaitait une contrainte ou pas. Comme Magali le rappelait, celle-ci nous fera bénéficier de 15 minutes supplémentaires.
Audrey : j'ai cherché des conseils du côté de mes co-équipières. Ioana m'a dit que ça pouvait aider à libérer ses idées. J'ai hésité, mais la remarque de Magali au départ sur l'intérêt du temps en plus (et je dois l'avouer ma peur du temps limité) m'a décidée à en prendre une, comme l'ont fait mes co-équipières.
Dans votre équipe, personne n'en a choisi par contre : pourquoi ?
F. Ash : Anaïs était focalisée sur son sujet, elle mettait ses idées en ordre et craignait qu'une contrainte supplémentaire vienne ruiner ses plans. Guillaume n'en avait pas besoin et moi non plus. Je pense qu'on avait déjà une idée assez claire de ce qu'on allait écrire, et qu'en termes de maîtrise du temps, on avait suffisamment confiance en nous. Je savais qu'en 1h37, je pouvais sortir quelque chose de valable et je ne voulais pas prendre de risque inutile.
Pas de regret lorsque tu as découvert la contrainte que tu avais tiré au sort ?
Audrey : Je crois bien que j'ai eu un petit instant de blanc devant l'énoncé « Exo-squelette en bois ». Ensuite, mon cerveau a heureusement pris le relais et trouvé très vite comment l'intégrer dans mon idée. Après coup, je dois reconnaître que j'ai pris un énorme risque, car, vu certaines contraintes, j'ai eu de la chance d'en trouver une qui puisse être utilisée aussi bien avec une idée déjà précise. Par contre, cela m'a quand même apporté une certaine aide dans la façon de caractériser un de mes personnages. Au final, je ne regrette pas d'avoir pris cette décision. Qu'est-ce que vous avez pensé après coup des contraintes et de l'idée d'en prendre une ?
F. Ash : De notre côté, on a entendu les contraintes au fur et à mesure qu'elles ont été tirées au sort. On s'imaginait à la place des auteurs qui allaient devoir composer avec ça. Autant l'exosquelette en bois aurait pu convenir à Guillaume, autant Anaïs et moi aurions été paralysés avec ça. Je ne parle pas de la « centrale nucléaire de poche », surtout pour Anaïs qui était partie sur de la Fantasy...
Le chronomètre est lancé et le match proprement dit a commencé. Au départ, aucun bruit de clavier ne s'est fait entendre. Les huit premières minutes sont consacrées à la discussion entre équipiers. Puis les crépitements des doigts sur le plastique résonnent. Pas une voix ne se fait entendre, chacun s'est immergé dans son univers.
Audrey : Le match s'est très bien passé. J'ai rapidement pris mes marques, réfléchi à la façon d'écrire mon idée. Moi qui perds beaucoup de temps en ne sachant jamais comment commencer mes nouvelles, l'énoncé du sujet m'a permis pour une fois de me lancer sans délai. J'ai suivi le temps qui passait, histoire de ne pas me retrouver à court. À la fin, il me restait du temps. J'ai hésité, mais décidé de ne pas me relire. J'ai fait attention au fur et à mesure et j'ai eu peur de vouloir modifier trop de choses et de ne pas la trouver assez bien (pas pour moi, mais plutôt vis à vis de mes co-équipières qui seraient désavantagées par une mauvaise note sur mon texte)
F. Ash : Tu as fait un choix audacieux ! Je n'aurais pas pu envisager de rendre mon récit sans me relire, ne serait-ce qu'à cause des fautes de frappe que je commets régulièrement. Pour ma part, j'ai écrit ma nouvelle quasiment d'une traite, en mode « frappe au kilomètre ». Pour ne pas perdre l'horloge de vue, et puisque mon thème était « je meurs toutes les trente minutes », j'ai incorporé l'heure dans le récit. Pratique et efficace. Bon, sauf que je ne savais plus à quelle heure j'avais démarré ! Dès que j'ai eu fini, j'ai commencé la relecture. Finalement, j'ai même eu le temps de relire rapidement la nouvelle de Guillaume et d'accentuer ses majuscules.
En sortant de la BMI le sentiment était partagé. Anaïs ne savait pas ce que valait sa nouvelle, elle avait fini en quatrième vitesse. Guillaume était serein, et moi, même si j'étais a priori content de ma nouvelle, je me demandais ce qu'elle valait. C'est ma chérie qui m'a rassuré, le soir, quand on est rentrés. Elle a bien aimé, c'était bon signe.
Le samedi, j'ai commencé à lire les autres nouvelles, en particulier celles de mes coéquipiers, et elles m'ont bien plu. Tous les textes étaient affichés dans la grande Bulle du Livre, dans l'alcôve à côté de la buvette. Cela représentait un mur complet de nouvelles, c'était impressionnant. Mais entre le vote des festivaliers et les notes du jury, impossible de savoir ce que ça allait donner.
Et vous, contentes de vos textes en sortant ?
Audrey : Le match terminé, je me suis doucement remise de mes émotions. Je n'arrivais pas à décider si j'en étais contente ou pas, surtout quand il s'est avéré que mon chéri n'avait pas du tout la même notion que moi de ce que devait être un exo-squelette en bois. Ioana était persuadée que sa nouvelle nous ferait perdre. Pour ce qui est de lire les nouvelles : Celia a du repartir le vendredi soir et n'a pas eu l'occasion de lire les autres textes avant qu'ils ne nous soient envoyés. Par contre Ioana est passée les lire.
Pour ma part, connaissant ma tendance naturelle à me sous-estimer et à me dévaloriser, je n'ai pas osé aller les lire devant tout le monde, pour éviter de me comparer. Je ne voulais pas non plus prendre le risque d'influencer les nombreuses personnes qui me connaissaient et qui auraient pu comprendre quel était le mien en voyant ma réaction.
Comment s'est passée l'attente jusqu'à l'annonce des résultats chez les CoCypoilus? Surpris par votre victoire?
F. Ash : Pour nous aussi l'attente a été indolore. Le samedi a été une journée bien remplie qui ne nous a guère laissée le loisir de trépigner. Le dimanche à 14 heures, quand Magali a annoncé que je gagnais le vote du public pour ma nouvelle, j'avoue que j'ai été aussi stupéfait que ravi. J'ai été très content pour toi, Audrey, qui a eu la meilleure note de sa catégorie.
Magali nous a annoncé que le jury, composé de 4 membres, a noté chacune des nouvelles. La compilation de ces notes a donné des moyennes pour chaque équipe… Et malgré tout, il y avait encore deux ex-aequo ! L'équipe organisatrice a donc calculé les écarts-type (l'écart séparant les notes de chaque membre d'une même équipe) pour pouvoir déterminer un gagnant. Cela prouve qu'il y a eu de l'émulation et du talent autant chez les pros que chez les amateurs. Je pense qu'on peut tous être contents de notre prose.
Quand j'ai annoncé le verdict par SMS à mes coéquipiers, Guillaume m'a appelé, pour que je lui dise de vive voix. Lui qui affichait une confiance inébranlable pendant toute la durée du match et de l'attente semblait avoir du mal à croire à notre victoire. En fait, il avait confiance dans le fait qu'on serait contents de nous, mais n'avait pas imaginé qu'on puisse gagner. Mais ça, il ne me l'a dit que plus tard.
Et chez les Chats-Pitres ?
Audrey : L'attente en elle-même, je ne l'ai pas vu passer. Au point que sans Ioana et toi, j'aurais oublié l'horaire de remise des prix. Pas question de me défiler puisqu'ils m'y accompagnaient.
Je n'ai qu'un moment où j'ai regretté de ne pas avoir été lire les textes : quand mon prénom a été donné pour la nouvelle élue par le jury dans ma catégorie (celles des auteurs qui avaient choisi le même thème que moi.). Je ne pouvais pas croire qu'il s'agisse bien de moi, malgré la réaction de Ioana et la tienne. Magali m'a demandé si mon texte est bien le C4, ce dont je n'avais en fait absolument aucune idée, vu que je n'avais pas été regarder.
Le petit moment de honte passé, je me suis remise de mes émotions, histoire de pouvoir féliciter F. Ash dont l'équipe a remporté le match.
Au final, j'ai pu profiter d'un deuxième moment de joie, quelques jours après la remise des prix. En ouvrant le document qui nous était envoyé pour découvrir les résultats complets, je me suis aperçue que l'équipe avec laquelle il a fallu utiliser l'écart-type pour décider du vainqueur est la nôtre. Je suis fière de ne pas avoir démérité et de m'être montrée à la hauteur de la réputation de mes co-équipières.
Un dernier mot pour la route, F. Ash ?
F. Ash : On a adoré ce match d'écriture. On est très contents d'avoir gagné parce que nos nouvelles vont être publiées dans AOC. Mais ça a été serré ! De notre point de vue, presque une égalité. Ça mérite une revanche, et on sera là en 2015, clavier en main pour remettre ça.
Et toi, tu te sens prête à revenir l'an prochain ?
Audrey : Je ne dirai qu'une seule chose : si elles veulent toujours de moi, je pense que je rempilerai pour une année (même si je suis sûre que je paniquerai tout autant) et que je suis très fière d'avoir battu les équipes "pro" avec l'aide de Célia et Ioana.
Merci pour ce fidèle compte-rendu - je le sais, j'y étais ;)
RépondreSupprimerRendez-vous l'année prochaine pour de nouveaux thèmes et contraintes aussi farfelus et inspirants !
Oui, nous reviendrons ;)
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