mardi 26 février 2013

Les séries numériques : Entretien avec Stéphane Desienne


L’équipe Tintamar(r)e a rencontré deux auteurs de séries numériques. Voici aujourd’hui Stéphane Desienne, qui a publié Toxic chez Walrus.


Bonjour à toi. Tout d’abord, félicitations pour cette publication et merci de répondre à nos questions. Pour commencer, pourrais-tu nous présenter Toxic ? 
Toxic est une web série au format novella (30 000 mots par épisode environ) et publiée exclusivement en numérique pour tablettes et liseuses. Six épisodes sont prévus pour la première saison. 
L'histoire : l'humanité a succombé à deux fléaux. Le premier, un virus d'origine inconnue "a zombifié" presque toute la population. Le second, des extra-terrestres friands de chair humaine, un met de luxe, ont envahi la Terre. 
Nous suivons un groupe de rescapés humains sains à la recherche d'un antidote, mais aussi les extra-terrestres (des mercenaires ayant acheté le droit d'exploiter la Terre), car l'antidote est la solution à leur problème : rendre des milliards d'humains à nouveau comestibles afin d'en vendre la chair. 
Le premier épisode s'attache surtout à présenter les protagonistes et la situation. 
L'épisode deux va accélérer l'histoire, plus d'action, des croisements narratifs aliens/humains ; les survivants vont affronter des situations dangereuses, y perdre des plumes, avec les aliens, nous allons parcourir la planète. On aura à peine le temps de souffler un peu dans l'épisode 3 où il y aura aussi d'autres personnages et des situations nouvelles (en Afrique par exemple). 
Bien entendu, il y aura des zombies partout. Jusqu'au final qui va être terrible, pour les survivants, mais aussi pour les aliens. 
Donc, une saison 2 est obligée. 

Mélanger dans une même histoire des extraterrestres et des zombies est original ! D’où t’es venu cette idée ? 
J'ai voulu changer un peu le sort réservé habituellement aux zombies qui se font hacher menu ou exploser à coups de batte et de fusil. Je souhaitais aussi prendre de la distance avec le schéma classique : accident biologique, expériences, militaires, savants fous et j'en passe, sans pour autant tout rejeter. Il fallait conserver des ingrédients et en apporter de nouveaux. 
Je me suis penché sur la filmographie impliquant des zombies (le nombre de films sortis sur le thème est incroyable) et tout tourne autour de "tuer ou être tué", "manger ou être mangé" qui est l'aiguillon de l'instinct primaire de survie. 
Les zombies mangent des humains et donc doivent périr, il fallait renverser un des termes de l'équation pour sortir de ce cercle. Effectivement, les zombies mangent des humains, mais la zombification possède une vertu : elle protège l'humanité d'un autre danger encore plus terrible.
La zombification constituant alors un moindre mal. 
En réfléchissant à l'autre partie de ce moindre mal, je suis revenu aux fondamentaux : "manger et être mangé". Qui d'autre pouvait manger des humains ? Des aliens. 
Après, quand j'ai tenu les deux facettes de ma pièce, j'ai travaillé à incorporer les aliens en développant l'ensemble du background extra-terrestre que je voulais plus riche que de "simples prédateurs venus de l'espace". Il leur fallait des motivations, une histoire ainsi qu'une civilisation derrière eux. Je les voulais aussi multiraciaux afin de renforcer la diversité, je désirais également un aspect commercial (commercialiser le produit humain) fort et de fil en aiguille j'en suis arrivé à un système de concessions. 
Le mix aliens - zombies - humains est devenu plein de potentiel. 
Transformé en zombie, les humains sont inconsommables pour les aliens. En terme d'histoire, ça semblait insuffisant pour tenir sur le long terme, il fallait une chasse, un but à atteindre, une motivation forte commune aux aliens comme aux survivants. 
J'ai donc rajouté un antidote dans l'histoire, c'est la course vers ce médicament qui va faire le lien entre les survivants et les extra-terrestres. 
Avec des questions clefs : 
Qui trouvera l'antidote en premier ? 
Les aliens vont-ils coopérer avec les humains ? 
Qui est Jave au juste ? 
Naakrit va-t-il exploser la planète pour être sûr que personne ne ramasse la mise derrière lui ? 
Et Dewei, pourquoi a-t-il survécu à une horde ?

Et maintenant, dis-nous, comment s’est passé le travail éditorial avec Walrus ?
C'est la première fois que je travaille avec un éditeur et pour une première, ça se passe à merveille. 
Le travail sur CoCyclics - la bêta lecture, les cycles - m'a préparé à recevoir les critiques, les comprendre, je me suis senti en terrain connu, à l'aise avec mon interlocuteur chez Walrus
C'est comme avoir un coach : je peux lui poser des questions, il me signale les choses qui ne fonctionnent pas, des améliorations, des aménagements du récit. Il apprend également à me connaître (tu utilises souvent ce genre d'expression, par exemple, il faut y prendre garde). Il suggère des orientations plus délicates. Il a notamment été question de la mort de l'un des personnages centraux. Nous en avons discuté et validé le principe. Je ne peux pas vous dire qui va mourir, bien entendu. 
Au niveau de la correction, j'envoie un premier jet travaillé et déjà relu, puis je reçois ensuite un retour avec des annotations et des remarques. J'en tiens compte ou pas et dans ce dernier cas, j'apporte des arguments sur ce que j'ai voulu dire ou faire. Il y a deux ou trois allers retours de cette nature avant de figer un épisode. 
L'ultime vérification a lieu à réception de la bêta de l'epub. 
Ensuite, la série est un format exigeant en cela qu'il faut veiller à la cohérence, l'évolution et le renouvellement des personnages et faire attention à sa scénarisation sur le long terme. Dans une série, il faut apporter du "frais" régulièrement et au bon moment. 
C'est un aspect que l'éditeur surveille de près. 
À titre d'exemple, j'ai introduit de nouveaux personnages dans l'épisode 3 ainsi qu'un point de vue externe. Le but est d'apporter davantage de profondeur à travers un "vécu". La série est en quelque sorte un "art" et ça tombe bien, chez Walrus, ce sont des spécialistes. J'ai appris à leur contact à peaufiner mes scénarios.

En tant qu’auteur, comment abordes-tu la publication sous format numérique ?
Je dirais qu'il s'agit du Nouveau Monde de littérature plein de possibilités comme la série ou le renouveau du feuilleton littéraire comme dans les journaux du début du siècle dernier. 
Les Passeurs d'Ombres, d’Anne Rossi, Jésus contre Hitler, de Neil Jomunsi, ou Les héros ça s'trompe jamais, de Marie Potvin dans un autre registre sont des séries qui marchent bien. Les téléchargements se comptent en milliers. 
Le format intermédiaire entre le roman et la nouvelle est aussi promis à un avenir intéressant. J'ai une novella en cycle et une autre dans les cartons. 
Le numérique permet des choses sans doute plus difficiles à réaliser dans un format plus traditionnel. 
J'imagine que c'est à nous auteurs, ainsi qu'aux éditeurs, d'expérimenter et de créer, d'oser aussi sans doute.
Les lecteurs aiment les livres, mais ils aiment aussi les avantages que procurent les liseuses ou les tablettes, voire les smartphones. Mon but en tant qu'auteur, c'est de rencontrer ce public et je dois arpenter les même terres.
Ensuite, les réseaux sociaux permettent un dialogue direct avec les lecteurs. Il m'est arrivé de discuter quelques-uns sur twitter par exemple. D'autres m'informent qu'ils ont publié une critique sur leur blog.
Si le numérique possède des avantages indéniables en terme d'immédiateté, d'auto-publication, se faire une place en tant qu'auteur dans le nouveau monde est difficile, noyé dans la masse de plus en plus grande des ebooks. En cela, marcher main dans la main avec un éditeur qui connaît déjà le terrain c'est clairement un avantage.
L'éditeur apporte son savoir-faire, sa caution bien sûr, mais aussi son réseau, son audience.
J'ai réfléchi à la question en me lançant dans le projet Toxic et très vite, je suis arrivé à la conclusion que travailler avec un éditeur apportait des avantages décisifs. 

Et si on en venait maintenant au point de vue de lecteur : qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans la série numérique ?
C'est un peu la même chose qu'avec les séries TV, on s'attache à des personnages centraux que l'on va suivre pendant un bon moment et en tant que lecteur j'apprécie aussi que la série permette d'en savoir plus sur les seconds rôles.
La diversité des situations est aussi un plus. L'auteur peut se permettre davantage de "folies".
Ensuite, chaque épisode se lit vite et que l'on soit dans les transports ou dans la salle d'attente du médecin, on peut sortir son appareil et poursuivre les aventures des personnages.
Le coût est aussi un facteur appréciable quand on sait que le prix d'un livre papier oscille entre 15 et 20 euros (hors poche) , lire la saga de l'Assassin Royal représente un investissement. Le prix d'un épisode de série numérique est de 0.99 à 5 euros maximum et souvent, le premier épisode est gratuit, ce qui permet de découvrir le texte et son auteur. Si l'univers, les personnages et l'histoire plaisent, on peut acheter les épisodes suivants. Ça ressemble à une sorte de modèle commercial. 
La web série littéraire a tout pour plaire aux lecteurs.


Ermina et l'équipe Tintamar(r)e


mercredi 6 février 2013

Un nouveau bilan

Le début d’année est l’époque des bilans et des souhaits : profitons-en pour nous intéresser aux cycles de notre mare !

Vous en connaissez le principe : une grenouille soumet son manuscrit, et s’il est accepté, elle en travaillera le fond et la forme en quatre phases, alternant travail et remarques avec des bêta-lecteurs en phases 1 et 3, avec des corrections et modifications en autonome lors des phases 2 et 4.

Voici maintenant six ans qu’une estampille récompense ceux et celles qui terminent leur dernière phase de cycle. Que ce soit pour l'ancienne version du cycle, en deux phases, ou pour la nouvelle version, en quatre phases, ces cycles représentent beaucoup, beaucoup de travail ! Les efforts de l'auteur, bien sûr, mais également l'attention, les lectures, les remarques, le soutien d'au moins deux bêtas-lecteurs pendant chaque phases I et III.

Voyez plutôt les lignes de nages qui sillonnent la mare depuis 2007 : pas moins de 25 estampilles, et 7 cycles en cours de travail à fin 2012 !



Un chiffre remarquable pour l'année écoulée ? 2012 a été la plus riche en estampilles, mais elle était aussi la plus riche en efforts : jusqu’à 17 cycles en travail pendant ces douze derniers mois !

La longueur des cycles semble se régulariser : si certains cycles se sont étendus sur plusieurs années, si d’autres n’ont duré que quelques mois, les cycles les plus récents s'écoulent en moyenne sur 12 mois.

Une fois l'estampille obtenue, la recherche - ou non - d'éditeur est entre les mains de chaque auteur, selon ses critères, et à son propre rythme. D'après l'expérience des grenouilles publiées, une recherche active peut aboutir en quelques mois, mais elle s'étend souvent sur plusieurs années. Toutefois le ratio estampillés/publiés est très encourageant : sur les 16 cycles estampillés fin 2011, 9 étaient publiés fin 2012. Soit plus d’un sur deux !


Les nouveautés du dernier trimestre 2012 :


Bravo à Sycophante, en phase IV avec "Les Pirates de l'Escroc-Griffe". Et saluons également Elfine noire, qui le rejoint en ce début d'année avec "La nuit des Coeurs froids".

Nos Encouragements pour Ermina, en phase III avec "Timraza";

Compliments pour le trio qui, à quelques jours d'intervalle les uns des autres, a rejoint en phase II Isa S et "Thirion et le lait de dragon" : Pandora, avec "Ticket gagnant"; Isaiah, avec "Or et Nuit"; et Desienne, avec "Les Dividendes de l'Apocalypse".

N'oublions pas d'accueillir dignement les premières entrées en cycle 2013 : la bienvenue à Fred, avec "Cratère" et à Celia, avec "Creep Show".

A eux tous, et à toutes les grenouilles, souhaitons le plaisir d’écrire !


Conteuse et l'équipe Tintamar(r)e