samedi 28 juillet 2012

Face à l'éditeur, partie 2


L’auteur a soumis son bébé au regard aiguisé de bêta-lecteurs, l’a corrigé encore et encore. Et puis, est venu le temps de le laisser partir chez les éditeurs (cf. face à l'éditeur, partie 1). Enfin, au bout de plusieurs mois, la bonne nouvelle tombe et vient récompenser ce travail de longue haleine.

Et et si l’éditeur dit « oui », que se passe-t-il ?
Thomas John nous explique : « J’ai indiqué à certains éditeurs avec qui j’étais en relation que j’avais un "oui" et leur ai précisé que j’envisageais de donner une réponse définitive sous une quinzaine. Passé ce délai, j’ai donné mon accord à Asgard. J’ai eu l’opportunité de discuter ouvertement certaines clauses du contrat, et je me suis empressé de proposer un dessinateur que je connaissais pour la couverture (Pascal Quidault avait réalisé des illustrations pour mon blog). »

Le « oui » n’est que le début d’une longue aventure. Et cette longue aventure commence par un moment qui peut se révéler déstabilisant : les corrections éditoriales. L’auteur doit expliquer ses choix : pourquoi tel thème, pourquoi cet univers, pourquoi ce point de vue, pourquoi ce genre. Il peut aussi se retrouver à justifier toute son intrigue afin de soulever d’éventuelles incohérences. D’ailleurs, même après la publication, il sera amené à recevoir des critiques de la part des lecteurs, ce qui peut être éprouvant.

Thomas John continue : « J’ai travaillé avec Thomas Riquet, puis Lucie Chenu pour la revue du manuscrit. Il y a eu peu de corrections, je pense essentiellement parce que j’avais eu droit à de nombreuses relectures lors du passage du roman par CoCyclics, et elles portaient sur des détails de forme, que j’ai tout de même parfois justifiés, sans heurt. »

De son côté, Nadia Coste raconte : « Le premier gros chantier était pour les noms des personnages (leur redonner un lien, des racines communes selon les peuples dont ils étaient issus). Il y a eu aussi une réflexion sur les quatre titres des tomes pour qu’ils se répondent, fassent naître un ensemble cohérent tout en fonctionnant seuls. Pas facile ! On m’a aussi soumis le travail de plusieurs illustrateurs afin que je donne mon avis sur celui qui, selon moi, serait capable de rendre au mieux les différentes ambiances pour les couvertures…Nous avons donc d’abord pensé aux 4 tomes de manière globale avant d’entrer dans le détail des premières corrections éditoriales. »

Puis, elle ajoute : « Franchement, j’ai trouvé qu’après un cycle de bêta-lecture, les corrections éditoriales étaient faciles à aborder. Non pas parce qu’il y avait moins de remarques, mais surtout parce que j’avais appris à écouter ces remarques, à trouver des solutions pour rectifier ce qui coinçait, que j’étais capable d’en refuser certaines en les justifiant car je savais davantage où j’allais avec ce roman… D’autant que les corrections éditoriales qu’un éditeur demande servent à améliorer le roman. Je ne suis pas d’accord sur tout (c’est normal !) mais ce sont toujours des suggestions, rien n’est imposé. Lorsque l’on n’est pas d’accord, mon éditeur et moi, on discute, quitte à faire des compromis ! Par contre, c’est sûr qu’il y a eu beaucoup plus de travail éditorial sur les tomes qui n’étaient pas passés par le cycle de bêta-lecture (mais c’est normal, ils avaient été moins relus et corrigés en amont). »

Cécile Duquenne, qui a publié Entrechats et récemment Quadruple Assassinat dans la rue de la morgue chez Voy’[el] a eu une expérience particulière : « Comme nombre d’auteurs, j’avais envoyé mon manuscrit à plusieurs éditeurs. Une quinzaine de refus, un seul "oui", tant attendu, tant espéré ! Mais ce n’était alors pas l’éditeur qui allait me publier ! Car après un cycle éditorial assez lent (près de deux ans), ledit éditeur a mis la clé sous la porte et je me suis retrouvée avec un manuscrit tout prêt sur les bras, et ma fin de parcours éditorial en queue de poisson qui commençait, au bout d’un moment, à vraiment sentir mauvais...
J’ai tout repris du début, et cette fois, ça s’est vraiment bien passé : multiples envois, un "oui" ! J’ai finalement accepté de travailler avec les éditions Voy’[el]. La collaboration s’est très bien passée. Pour mon second roman, le processus a été différent : j’ai parlé dudit roman à l’éditrice de Voy’[el], qui m’a demandé de le lui envoyer. Ce que j’ai fait. Elle l’a lu, et elle a dû l’aimer puisqu’elle l’a publié aussi.
J’ai eu beaucoup de corrections pour mon premier roman publié, moins pour le deuxième. Il faut dire que le premier n’est pas passé en cycle CoCyclics lui. D’ailleurs, la correction éditoriale est très différente de la bêta-lecture. Un bêta-lecteur va pointer les erreurs et laisser libre choix à l’auteur. Un correcteur d’une maison d’édition, lui, n’hésitera pas à reformuler. Quand on a dit "oui", le manuscrit n’est plus seulement le nôtre : c’est aussi celui de l’éditeur. Bien entendu, je suis restée ferme sur certains choix, et je les ai défendus. Au final, j’ai toujours voix au chapitre. C’est pourquoi, si vous êtes vraiment convaincus d’un choix de terme ou de retournement de situation, il faut le défendre. Après, il ne faut pas non plus rester planté sur vos positions : comme vous, l’éditeur veut le meilleur pour votre manuscrit. Il n’est pas là pour le détruire, ou changer votre style. »

Quels conseils pour « plaire » aux comités de lecture ?
Pour commencer, il est primordial de respecter les consignes de soumission. Thomas John ajoute quelques indications : « Relire des tas de fois son manuscrit, le faire relire par des béta-lecteurs. Lire des bouquins parus chez les éditeurs que l’on vise pour avoir plus de chances de bien cibler ses envois. Plaire au comité de lecture ? Pas de recette miracle, mais étant donné que les manuscrits sont rarement lus plus de quelques pages, être impeccable sur tout le manuscrit, et en particulier sur les premières pages : forme, orthographe, style, enjeux universels, identification simple à des personnages forts, ambiance, accroche, faire entrer tout de suite le lecteur dans l’histoire... Côté présentation, il y a pas mal de guides sur le sujet, l’essentiel à mon sens étant de fournir quelque chose de propre, clair et d’aéré, avec une lettre d’accompagnement sobre. »

Pour sa part, Nadia Coste explique : « Le premier conseil que je pourrais donner à un auteur qui veut soumettre un manuscrit pour la première fois, est d’abord de se faire relire. CoCyclics est une solution, bien sûr, mais les valeurs de réciprocité dans la bêta-lecture ne fonctionnent pas pour tout le monde. Certains seront plus à l’aise dans un cercle privé, ou un réseau d’amis… L’important, pour l’auteur qui cherche à être publié, c’est de savoir comment le lecteur perçoit son texte pour voir si les éditeurs qu’il cible sont les bons.
Ensuite, il ne faut pas hésiter à se mettre dans la tête de l’éditeur qui, dès les premières lignes se pose une seule question : « pourquoi est-ce que je suis en train de lire ça ? ». Le temps n’est pas extensible, et il faut vraiment l’accrocher pour qu’il soit convaincu qu’il a raison de lire votre manuscrit plutôt que répondre à ses douze mille mails, décrocher le téléphone, ou simplement piocher un autre manuscrit dans la pile ! Trop de jeunes auteurs pensent « oui, mais vous allez voir au chapitre 2… » (quand ce n’est pas bien plus tard dans le roman !). Si l’éditeur (ou le stagiaire selon les maisons d’édition) lit plus que les dix premières lignes, c’est déjà une victoire !
Il ne faut pas chercher à tout prix à plaire au comité de lecture : vous n’allez pas travestir votre roman pour que « ça passe » ! Soit ils l’aiment comme ça, et vous avez vos chances, soit ils savent qu’ils ne le défendront pas bien, et il vaut mieux tenter chez un autre éditeur… Bref, faites simple dans vos courriers d’accompagnement, tentez un synopsis le plus clair possible, et laissez l’histoire faire son travail ! »

Concernant la présentation du manuscrit, Cécile Duquenne conseille de faire sobre « Times 12 interligne 1,5. Si vous faites un envoi papier, mettez nom prénom et adresse mail en bas de chaque page, et numérotez-les. Si c’est par mail, évitez tout ça. Le nombre de pages est inscrit dans word, le titre du manuscrit est aussi dans le titre du document, et si vous inscrivez vos coordonnées complètes sur la page de garde, il est inutile de les répéter en pied de page. N’oubliez pas d’indiquer le mail dans le document même, pour faciliter le travail de l’éditeur, qui n’aura pas à le chercher dans ses fichiers s’il veut vous recontacter. Il vous en sera reconnaissant.
Pour plaire à un comité de lecture, je dirais qu’une mise en page sobre est de mise (ils lisent beaucoup, il faut avoir pitié de leurs yeux). »

De plus, elle ajoute : « je dirais de ne pas se préoccuper du nombre de refus que vous recevez. Ne vous découragez pas. Le nombre de refus ne compte pas, c’est leur qualité qui importe : un refus argumenté pourra vous amener plus près du "oui" tant attendu. Plus près que vous ne le croyez. Et peu importe le nombre de refus... un seul "oui" suffira pour vous mettre sur les rails ! »

Mais il est utile aussi de savoir présenter son manuscrit à l’oral. À ce sujet, Nadia Coste déclare : « Savoir présenter son manuscrit à l’oral est un exercice difficile. Parfois, au détour d’un salon (où lors d’un Speed-dating comme celui des Imaginales), on rencontre un éditeur à qui il serait bon de présenter son roman en quelques mots pour lui donner envie de le lire, mais on ne sait pas toujours par quel bout commencer… il n’est pas inutile de s’entraîner ! Aller à l’essentiel, chercher, en quelques phrases, ce qui fait que ce roman-là est différent des autres, on a l’impression que c’est impossible, au début. Mais, ce qu’on oublie parfois quand on est en recherche d’éditeur, c’est le lecteur final qu’il faudra convaincre à son tour ! Quand on se retrouve en salon face à des inconnus qui vous demandent « de quoi ça parle ? », il faudra renouveler l’exercice encore et encore.

Mon conseil sur ce point : demandez à des amis ou des collègues, si possible des gens qui savent vaguement que vous écrivez, mais n’ont rien lu de vous, de vous écouter présenter votre roman en cinq-dix minutes. Selon leurs questions, ou simplement en vous entendant parler vous-même, vous ciblerez de mieux en mieux la meilleure façon de présenter l’histoire ! »

Voilà, le bébé est édité, prêt à rencontrer les lecteurs, à atterrir sur les rayonnages des librairies, sur les tables des salons. Pour l’auteur, une nouvelle aventure commence.


Ermina et l'équipe Tintamar(r)e

mardi 10 juillet 2012

Inspection trimestrielle

Oh ? Bonjour. C’est déjà le jour de l’inspection trimestrielle ? Bonté divine ! Le printemps est passé à toute vitesse : je ne vous attendais pas.
Non, non, ne vous inquiétez pas. Ce sera un peu improvisé, mais vous aurez l’occasion de voir nos auteurs en plein effort. Voulez-vous que nous commencions tout de suite ? Oui ? Suivez-moi !

Vous vous souvenez, bien sûr, du principe des travaux réalisés dans nos locaux ? C’est ici que les manuscrits retenus par la mare affrontent les quatre phases du cycle CoCyclics. Nous traversons d’ailleurs en ce moment la salle des Estampilles. Vous pouvez y admirer en bonne place ceux qui sont parvenus au terme du cycle : pas moins de dix-neuf manuscrits jusqu’à présent. Laissez-moi vous présenter notre dernière fierté, toute récente : La Vieille Paire de lunettes de Scipion a reçu son estampille début juin.
Nous arrivons à la première salle, celle où nous accueillons les cycles à leur début : c’est la phase I, celle où les bêta-lecteurs analysent les manuscrits en profondeur. Vous y reconnaissez Ermina et ses deux bêta-lectrices Any et Aethra ? Vous les avez croisées fin mars, alors qu’elles venaient de commencer le travail sur Timraza. Ce trimestre-ci, permettez-moi de vous présenter Desienne et ses bêtas Cendrefeu et Celia, qui s’engagent depuis à peine quelques jours sur Les Dividendes de l'Apocalypse. Non, ne vous dérangez pas, nous ne faisons que passer ! Travaillez-bien !

Maintenant, penchez-vous vers moi, car il nous faut parler à voix basse. Voyez, j’ouvre la porte de la deuxième salle, mais nous resterons sur le palier. Ici réfléchissent les auteurs engagés en phase II. Corrections, reprises, et parfois même réécritures ponctuelles nécessitent une intense concentration qu’il serait dommage de perturber. Près de la bibliothèque, vous connaissez déjà Sycophante, avec Les Pirates de l'Escroc-Griffe ; à côté de l’estrade, c’est Macalys, sur Mary's Blues et dans l’angle, Le pavé, qui analyse Les Enfants de la citadelle. Isa S les a rejoints mi-juin. Elle est au bureau devant la fenêtre, penchée sur Thirion et le Lait de dragon. Vous avez vu, je referme ?

Pardon ? Oh, nous pouvons de nouveau parler normalement : nous nous dirigeons vers la salle consacrée à la phase III. C’est une salle plutôt bruyante en ce moment, avec trois auteurs et neufs bêtas, en pleine discussion sur des derniers points de fond et surtout de forme. Vous avez déjà aperçu ces manuscrits lors de votre dernier passage : La Nuit des Cœurs froids d’Elfine NoireLa Brume des ténèbres de Patastec, et L’Étrange Cas du docteur Ravna et Monsieur Gray de GabrielleTrompeLaMort, sont en pleine étude !

Et voici la dernière salle, où il nous faut de nouveau être discrets : en phase IV, les auteurs n’apprécient guère qu’on dérange leurs derniers efforts. Les trois que nous voyons là sont à un cheveu de l’estampille tant espérée. Qui ? Laissez-moi fermer doucement la porte avant de vous répondre. Oui, bravo, vous avez bien reconnu Kellendros, avec Les Reflets d'Earanë et Ayaquina, sur Les Gens de l’eau. Et Chapardeuse, qui scrute Kisasi comme si elle voulait en extraire jusqu’à la dernière coquille. Vous l’aviez vu en phase II lors de votre dernier passage, mais elle a passé sa phase III en un éclair ce dernier mois !

Nous avons tout vu, je crois. Je vous raccompagne. Oh, un instant s’il vous plait, j’aperçois un nouveau bêta-lecteur et je voudrais vous le présenter. Voici Koïnsky, qui a rejoint le cœur de la mare au mois de mai. Nous sommes toujours heureux d’accueillir du sang neuf pour les bêtas.

Satisfait de votre visite ? Mais c’est un plaisir. Faites bien savoir à tous avec quel sérieux nous travaillons. À bientôt !

Conteuse et l'équipe Tintamar(r)e