Que l'on soit aspirant auteur ou fraîchement publié, on n'imagine pas
toujours ce qui se passe lorsque l'on bascule de l'autre côté de la
table de dédicace... et on n'y est souvent pas préparé ! N.B. Coste, auteur des Fedeylins, une quadrilogie sortie chez Gründ (dont les deux premiers tomes ont suivi le
cycle de bêta-lecture CoCyclics), s'est penchée sur la question pour
proposer sa vision et ses conseils, alors que sa nouvelle série, SpaceLeague, s'apprête à sortir en librairie aux éditions l'Équipe.
Avant d'être publiée, je pensais que le métier d'écrivain consistait en
plusieurs phases autour de l'écriture : la préparation, les recherches,
la rédaction, les relectures, les corrections, encore des corrections,
encore des relectures, de l'attente, des bêta-lectures, des corrections,
et des envois aux éditeurs (en gros).
Par contre, une fois que le(s) roman(s) sont acceptés par un éditeur,
tout un nouveau pan du métier se révèle. Autant pour l'écriture en
elle-même, on peut se préparer, s'améliorer tout seul dans son coin,
autant pour tout ce qui concerne le personnage public qu'on devient peu à
peu, il faut faire son expérience sur le terrain.
Je vais donc essayer de partager ma modeste expérience sur la face cachée du métier, on ne sait jamais, ça peut servir !
Ça, c'est un domaine plus familier, en général. On a tous (au moins une
fois) parcouru les allées d'un salon du livre. Et, quand on écrit, on
s'imagine tous un jour de l'autre côté de la table. "Quand je
dédicacerai, je...".
Pourtant, on n'est pas forcément prêt à la réalité, à se retrouver assis pendant des heures à regarder passer des gens en souriant, les voir vous juger, juger vos livres, devoir pitcher en quelques phrases un roman dont on peinait déjà à écrire un synopsis de trois pages, et encaisser les lecteurs pas intéressés comme autant de lettres de refus d'éditeur.
Pas de panique, amis auteurs, vous aussi vous bredouillerez au début. Mais, très vite, vous découvrirez quelques astuces (je vais vous en livrer certaines).
Personnellement, je n'avais en tête qu'un seul fantasme : attribuer un
signe de caste fedeylin à chaque dédicace (ça m'amuse toujours autant).
Dans mes premiers salons, j'ai demandé à des auteurs avec plus de bouteille s'ils avaient des conseils : plusieurs, sans se concerter, m'ont dit : "il te faut des tampons". Et c'est vrai que c'est chouette ! Ça plait beaucoup aux lecteurs, et ça habille bien mes pattes de mouche (dans lesquelles j'ai toujours peur de faire des fautes d'orthographe, mais je crois que ça me restera toujours. Je me réveille encore parfois en sueur au milieu de la nuit parce que j'ai fait une faute dans le livre d'or d'un salon et qu'il me faut attendre des mois pour pouvoir la corriger !).
Mes conseils : Entraînez-vous à résumer l'accroche de votre roman
en quelques phrases, ça vous permettra de ne pas laisser traîner un
trop long "euhhhhhhh" à la question "de quoi ça parle ?". La bonne
accroche viendra toute seule, au fur et à mesure des discussions avec de
potentiels lecteurs : ne pas trop en dire, mais suffisamment pour
donner envie !
Après, pour l'attitude en salon, ça dépend de votre personnalité :
certains se calent au fond de leur chaise et attendent que des lecteurs
prennent l'initiative de leur parler, d'autres alpaguent les passants
façon marché aux bestiaux... c'est selon. Moi, je fais entre les deux :
je souris, prête à engager la conversation quand je vois que les
lecteurs accrochent sur les couvertures, mais sans non plus sauter sur
chaque passant !
J'avoue que c'est plus facile quand on a plusieurs romans à proposer : on a moins l'air d'un camelot qui essaye à tout prix de vendre son produit : on discute de nos univers, de ce qu'on fait... et, quand on écrit en jeunesse, les "cases" aident à parler des livres ("Pour un garçon de 8 ans ? Plutôt celui-ci. Pour une fille de 14 ans ? Plutôt celui-là").
Côté dédicaces, difficile de personnaliser chaque petit mot (surtout
face à de parfaits inconnus !). On m'a conseillé (et je transmets)
d'avoir une dizaine de phrases différentes par roman, et de broder
autour. J'avoue que ça aide bien (d'une part quand il y a la queue et
qu'il activer le mouvement, et d'autre part quand, comme moi, on a peur
des fautes !).
Les fans
Un jour, on vous demande un autographe. Oui, à vous, là, qui vous
demandez ce qui se passe vu qu'aux dernières nouvelles vous n'avez pas
sorti de single n°1 des ventes, qui n'êtes même pas passé "dans le
journal de Claire Chazal lalalalala" (ne me remerciez pas pour l'air
dans la tête, c'est cadeau).
Ou on vous demande de poser pour une photo avec le fan en question.
Passé la surprise (normale), vous vous exécutez avec au fond des yeux un brin de "qu'est-ce que je fais là ?".
Respirez, amis auteurs, ce n'est qu'une autre facette de ce métier à laquelle vous n'étiez pas préparé !
Car oui, du moment où on passe de l'autre côté de la table, on n'est
plus un être humain aux yeux des gens qui déambulent dans le salon, mais
un Auteur avec un grand A (même si on écrit pour enfants ["ah, bon,
alors ça va !"] ou pire, de la fantasy [ce sous-genre pour ado attardé,
hein]).
Mes conseils : Profitez. Amusez-vous. C'est rigolo, non ? Même si, dans l'absolu, ça vous mets mal à l'aise, c'est quand même hyper flatteur de se faire prendre en photo à côté de quelqu'un qui a aimé votre/vos livre(s).
Et comment résister à la petite bouille d'un mini-fan pour qui on
représente quelqu'un d'extraordinaire et qui tend un morceau de cahier
déchiré pour y apposer un autographe ?
Je me souviens d'un salon, où j'étais assise à côté de Mary-Janice Davidson, et chaque fois que quelqu'un voulait être pris en photo avec
elle... elle était d'accord, à condition de prendre elle aussi une photo
du fan ! J'ai trouvé ça super sympa (de garder une trace, nous aussi,
de ces rencontres). Si j'avais son culot, je crois que je le ferais
aussi ! (peut-être dans quelques années...)
Les relations avec la Presse
Là, à moins d'avoir fait la une de tous vos journaux municipaux depuis
votre victoire au tournoi d'échec en CM2, je ne vois pas trop comment
vous auriez pu vous préparer !
De mon côté, c'est même encore plus vicieux et faussé : ma mère était
correspondante de presse dans un journal local, et j'imaginais naïvement
que tous les journalistes que j'allais rencontrer fonctionnaient comme
elle. Ce n'est pas le cas !
Je vous le dis tout de suite : n'imaginez pas que l'auteur de l'article va faire comme dans ces magazines qui ponctuent certaines réponses de stars de "(rire)" quand la star rit en répondant (ce qui permet de voir le second degré de sa réponse... c'est formidable). Si vous répondez en faisant une blague, il y a de fortes chances qu'elle passe au premier degré. Si.
[De mon côté, si j'en crois certains articles, j'ai visiblement affirmé
que j'attendais un coup de fil de Spielberg pour l'adaptation de mon
premier roman en film *insérez ici un smiley qui roule des yeux*].
En radio ou en télé, le ton passe mieux, bien sûr... mais à moins d'être en direct, il y a toujours le risque du montage.
Mes conseils : faites des phrases courtes, simples, avec une
seule idée à la fois. Appuyez sur ce que vous voulez que le journaliste
retienne (une déformation est si vite arrivée...). Répondez directement à
la question, puis développez (et pas l'inverse).
Les séances photos
Autre point auquel on ne pense pas "avant" : la communication visuelle.
En général, un éditeur vous demande (ou fait faire) des photos, histoire
de pouvoir communiquer sur votre tête. Certains en impriment même une
sur la 4ème de couverture du roman, ou sur un rabat.
Si vous avez publié des nouvelles, peut-être que le fanzine/webzine/ la
revue vous a demandé de fournir une photo. Alors, vous avez demandé à
votre mari/femme/à un ami, etc, de vous prendre en photo avec un angle
avantageux. Peut-être avez-vous (consciemment ou non) reproduit ce que
vous avez en tête quand on vous dit "photo d'auteur" (je vous renvoie à
cet excellent article du Nouvel Observateur : "Les astuces pour réussir une mauvaise photo d'écrivain".
Là encore, ce n'est pas naturel ni évident et, surtout, ce n'est pas
franchement quelque chose auquel on pense entre le syno, les 22 étapes
de Truby, et ce satané chapitre 4 qu'il va falloir réécrire.
Personnellement, je vous parlais tout à l'heure de ma maman, dont le
métier de correspondante de presse incluait la prise de photo pour
illustrer ses articles. Nous étions au temps de l'argentique, et elle
développait ses pellicules à la maison, histoire d'envoyer les négatifs
avec l'article qui va bien. Quel rapport avec moi ? Disons que je
servais de cobaye pour terminer les pellicules auxquelles il ne restait
que quelques poses et qu'il fallait absolument développer le soir même.
Soyons juste, ma sœur aussi (mais je crois que ça l'amusait moins que
moi). Depuis toute petite, donc, quand on braque un appareil photo sur
moi, je souris instantanément (une habitude).
Ajoutez à ça quatre années d'appareil dentaire qui font que le chantier
buccal dont j'ai longtemps eu honte est devenu un véritable sourire que
je ne cache plus, ainsi que *attention coming-out* un rapide passé de
Miss *c'est bon, j'ai avoué, n'en parlons plus*, vous comprendrez que ce
n'est pas la facette qui me gêne le plus dans ce métier.
Mes conseils : réfléchissez à l'image que vous voulez dégager...
mais n'essayez pas de devenir quelqu'un d'autre. Si vous êtes gothique
au quotidien, normal de le rester en salon. Mais si vous décidez de
mettre systématiquement un chapeau à chacune de vos apparitions
publiques, essayez de penser à long terme : est-ce que vous n'allez pas
vous lasser, au bout d'un moment ? Et vous retrouver coincé par cette
image qui ne vous correspond plus ?
Quant aux photos... là encore, soyez naturel. Ne prenez pas ça comme une
punition ou un passage obligé. Pas la peine de faire votre diva genre
"je n'aime pas qu'on me prenne en photo" : ça, ça passe entre amis, ou
avec la famille, mais du moment où vous êtes Auteur (toujours ce grand
A), ça paraît plus bizarre qu'autre chose (qui n'a jamais grincé des
dents en voyant, dans une anthologie, la seule photo d'auteur qui ne
montrait pas le visage de celui-ci mais ses doigts, lui caché derrière
un livre, ou un objet le représentant symboliquement ?).
C'est bon, c'est juste une photo. Rien ne vous empêche de vous mettre un
peu en valeur (c'est quand même une image qui reste, hein, et qui
circule) mais amusez-vous avec ça !
Allez, je vous laisse, il faut que je réfléchisse à la tenue que je vais porter lors de ma prochaine séance photo ! (rire)
À part ça, vous avez des questions ?
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