vendredi 3 septembre 2010

L'histoire d'un cycle CoCyclics : Conteuse témoigne.

Mon manuscrit entre en phase IV du collectif CoCyclics.
Une phase IV ? Qu’est-ce que c’est, direz-vous. Ah, c’est une étape importante d’une sacrée aventure !

Imaginez un instant :

Vous vivez tranquille, avec le rythme classique boulot-famille-amis-dodo. Un jour, sans comprendre pourquoi, vous vous mettez devant une feuille de papier ou un écran, et vous écrivez. Peut-être commencez-vous par construire les bases d’une histoire. Ou peut-être vous laissez-vous emporter d’une ligne à l’autre, par des personnages qui prennent corps et caractères. Peu importe.
Vous écrivez. Vous persévérez. Malgré la pression du boulot, de la famille, des amis, du sommeil, qui tous demandent votre attention, vous vous obstinez. Jusqu’au mot fin.

Là, vous vivez un grand moment. Votre premier jet est terminé. Vous avez écrit UNE HISTOIRE ! Vous en êtes, quelque part, le premier surpris. Ce qui ne vous empêche pas d’être un peu fier, quand-même.
Pour la suite de l’aventure, vous ne savez pas vraiment comment faire. Vous relisez, vous faites quelques corrections. Vous vous procurez un ou deux livres sur l’écriture. Vous contemplez, perplexe, votre prose. Il faudrait savoir ce qu’elle vaut.
Vous vous renseignez. Vous écumez Internet. Vous confiez votre bébé à un ami de confiance. Il a consigne de vous dire ce qu’il en pense, en bien comme en mal. Mais ce lecteur n’est pas du « métier ». Vous vous doutez bien qu’il existe d’autres critères de lecture, plus exigeants, plus à même de faire émerger le meilleur de ce premier essai.
Vous relisez, vous corrigez, encore. Vous êtes arrivé au maximum de ce que vous pouvez faire tout seul.

Un jour, au hasard des liens du net, vous tombez sur un forum qui vous semble sérieux. Sur la base d’un niveau d’écriture minimum, et en échange d’un engagement réciproque, un collectif d’auteur propose une relecture aux auteurs débutants en science-fiction/fantasy/fantastique : vous rencontrez CoCyclics !

Vous suivez les échanges quelques semaines. Vous participez, timidement. Vous apprenez ce que signifie « bêta-lire ». Dans le respect du texte de l’autre, vous signalez ce qui vous paraît être des anomalies, sans les corriger, mais en expliquant pourquoi, selon vous, tel point de fond ou de forme ne va pas.
Au bout de quelques mois, vous vous lancez : vous proposez votre manuscrit.

Vous attendez, en croisant les doigts. Votre texte peut être refusé, s’il y a trop d’incohérences de fond, ou si la forme nécessite un important travail de reprise. Le collectif vous fournira alors une fiche de lecture qui détaillera les points bloquants. Au pire, cela vous permettra d’estimer votre niveau, au mieux, vous aurez une base de progression. Vous essayez de penser à autre chose.

Arrive la réponse. Votre manuscrit est accepté ! Un ou deux « bêta-lecteurs » se sont proposés pour regarder votre texte. Vous êtes … heureux ? Ravi ? Et, je suis désolée de le dire, tout à fait inconscient du travail qui vous attend !

La phase I du cycle CoCyclics commence. Vous recevez questions, commentaires et remarques. Ici, une incohérence, Là un défaut de caractérisation, une rupture de rythme. Mais aussi des répétitions, un surplus d’adverbes, de participes présents, ou tout autre gros défaut de fond ou de style.
Vous découvrez des termes, un métier. Vous aviez construit une boite en bois brut. C’était bien une boite, oui. Il s’agit maintenant de l’amener au niveau d’un coffret. Et sous le regard d’un menuisier, il y a un certain nombre de choses à reprendre.
Soyons clairs. Cela ne fait pas toujours plaisir. Quoi, tel point pourtant clair à vos yeux n’est pas compris ? Comment, une tournure complexe que vous aimez n’est pas appréciée ?
Il y a de la remise en cause dans l’air. Il va vous falloir entendre, comprendre.
Puis vous devez mesurer, avec toute l’objectivité dont vous êtes capable, ce que vous allez changer, corriger, adapter. Vous êtes l’auteur. Quoi qu’il se passe, c’est vous qui portez l’échec ou la réussite de votre travail. Des gens s’appliquent à vous aider. Il s’agit d’en retirer toute l’expérience possible afin de porter au mieux votre texte, votre histoire.

La phase I s’achève. Vous avez maintenant une image précise de ce qui ne va pas.
Vous pouvez arrêter là. Cela fait des mois que vous travaillez sur ce manuscrit. Il y a peut-être d’autres urgences qui vous appellent.

Mais vous êtes déterminé. Vous n’allez pas arrêter maintenant que vous savez ce qu’il faut faire, non ?
La phase II vous attend !

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Vous entrez en phase II. Vous préparez un plan de correction, ciblé sur les faiblesses signalées.
Là, c’est vous qui travaillez, reprenant point à point défauts et anomalies. Vous affinez les passages faibles. Vous ajoutez, ou supprimez des paragraphes, voire des chapitres. Vous scrutez les mots utilisés. Ah, le cauchemar des répétitions !
Autour de vous, ceux qui savent que vous écrivez s’étonnent, voire critiquent : « Quoi, tu corriges encore ? ». Difficile d’expliquer ce travail de fourmi à qui ne le pratique pas.

En parallèle, vous bêta-lisez le tapuscrit d’un autre auteur : c’est un juste échange.
Votre regard change : il est plus acéré, plus exigeant. La différence entre une boite et un coffret commence à vous apparaître.

Un jour, enfin – et c’est un « enfin » qui compte – vous arrivez au bout du travail prévu. Vous n’aviez jamais pensé que ce pourrait être si long. Vous examinez votre texte d’un œil méfiant.
Là, ne serait-il pas possible d’ajouter un peu de suspens ? Ici, une nouvelle scène allègerait peut-être l’ensemble ? Vous relisez. Quelques corrections naissent au passage.
Le texte est mieux, bien mieux, vous le voyez, c’est certain. Vous rendez grâce au travail de vos béta-lecteurs sans lesquels ce résultat n’aurait pas été possible.

Mais est-ce suffisant ? Pouvez-vous mieux faire ? Est-ce le coffret auquel vous aspirez ? Qu’en est-il des ferrures, des couleurs ? Vous sentez, sans arriver à mettre le doigt dessus, que vous pouvez encore progresser. Alors, pas d’hésitation : vous repartez pour un cycle.
Vous vous proposez pour une phase III.

La phase III ? Deux bêta-lecteurs vont regarder votre nouvelle version. Si vous avez bien travaillé, il y aura moins de faiblesses. Peut-être juste des problèmes de forme, quelques points ponctuels de fond. Davantage ? Ah. Mais vous les connaîtrez. Et vous pourrez agir.

Vous remettez votre nouvelle version dans les mains de lecteurs experts. Et vous croisez les doigts.

Les premières remarques de phase III reviennent. La phase II a bien été utile : il ne reste quasiment plus de problèmes de fond. Des détails, du ciselage, pour rendre encore meilleur le rendu de l’histoire.
Par contre, au niveau style… Aie-aie. Les défauts dont vous n’aviez pas conscience ressortent désormais, impitoyablement mis en couleur par des yeux exigeants.
De nouveau, brièvement, surgissent des étincelles de rébellion. Quoi, telle tournure est redondante ? Telle expression revient trop souvent ? Il faut bien l’admettre : c’est vrai.
Vous ne l’aviez pas vu. Vos futurs lecteurs, eux, n'auraient pu que les remarquer.
Vous soupirez. C’est reparti pour une phase de correction : la phase IV. En théorie la dernière avant l’estampillage Cocyclics, celui qui valorise vos efforts aux yeux de tous.

Et vous voilà en phase IV.
Vous pensiez que vous aviez vécu le plus dur avec les corrections de fond. Mais vous vous battiez alors seulement avec la logique, le corps de l’histoire. Là, vous devrez vous battre avec vous-même. Attaquer les défauts, affiner votre style sans le dénaturer. Trouver le juste équilibre entre le juste texte et le plaisir d’écrire.
Fichu combat.

Mais vous mesurez déjà les progrès accomplis, la connaissance acquise. Votre manuscrit n'aura jamais été aussi bon. Sans cette confrontation à des pairs, votre texte serait resté à l’état brut. Vous savez ce que vous devez à vos bêta-lecteurs, à tous ceux qui s’activent pour permettre un tel travail.

Demain, peut-être, ces nouvelles corrections terminées, vous tenterez « le grand bain », l’aventure extérieure.
D’autres corrections vous attendent, probablement. De nouveaux efforts, des déplaisirs, sans résultat garanti.
Peu importe. Une étape à la fois.

Vous écrivez. Vous croyez en une histoire. Vous avancez.

Conteuse

4 commentaires :

  1. Clap, clap, clap!
    Bravo! Bis! Une autre!
    Cet article est simplement superbe!
    Bravo à Conteuse pour le travail accompli et pour ce magnifique résumé de son parcours.

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  2. C'est émouvant... Très belle histoire. On mesure tout ce que conteuse a dû remettre en cause pour avancer. Je crois que ça donne une bonne idée de l'état d'esprit dans lequel il faut être pour se lancer dans un cycle de bêta lecture. Nous avons tous vécu des sentiment semblables pour des tranches de texte (papyrus), pour des nouvelles (plus dur déjà)... Pour un roman, ça doit être exponentiel, comme sentiment. Bravo, en tout, pour le cycle, comme pour l'article.

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  3. Un parcours du combattant, mais quel parcours, Conteuse ! On le vit avec toi ! Ce n'est pas une mince entreprise, car elle demande du courage, de la remise en question et c'est loin d'être facile. Bravo !

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