dimanche 28 novembre 2010

Le long parcours du combattant - Célia Deiana

Inscrite en 2008 sur CoCyclics suite à une rencontre dont elle va nous parler, Célia travaille actuellement sur son roman Les Invisibles, un space opera tentaculaire.
Si elle écrit depuis toute petite, la Mare a quelque peu chamboulé sa vision de l'écriture... lisez plutôt :


Q – Comment es-tu arrivée sur CoCy ?

R – Par hasard. J’avais fini mon premier roman (enfin le seul fini à ce jour) et j’avais une vision complètement faussée du monde éditorial SFFF. En 2008 je me suis rendue pour la première fois aux Imaginales à Épinal… mon synopsis et mes trois premiers chapitres sous le bras ! Je me suis très vite rendue compte que ce n’était pas vraiment la chose à faire et je n’ai abordé quasi personne – heureusement d’ailleurs, puisque je voulais leur présenter un premier jet à peine relu.
Et puis j’ai un peu discuté avec un membre de feu Oxymore, qui, je m’en rends compte maintenant, a tout de suite su vers qui m’orienter. Il m’a donné l’adresse du forum et une semaine après j’étais inscrite.

Q – Qu'est-ce qui te plaît dans la Mare ?

R – Aujourd’hui, après plus de deux ans de présence, je reste toujours très surprise de l’énergie qui se dégage du forum. Je n’ai malheureusement plus le temps de nager dans les sujets publics, ou même de m’arrêter pour bêta-lire un extrait de roman ou une nouvelle – je le fais quand même de temps en temps pour ne pas perdre la main – mais je me souviens à quel point le forum a été pour moi une espèce de bol d’air monstrueux après plusieurs années passées à écrire seule dans mon coin.
Et plus que le forum en lui-même, ce sont les personnes que j’y ai rencontrées qui me plaisent le plus. Ce sont des gens capables de partager avec vous leurs passions – sans juger les vôtres –, de relire vos textes avec un enthousiasme et un quasi professionnalisme heureux, mais aussi de vous accueillir pour une soirée restau, de vous soutenir dans à peu près tout – parce qu’au bout d’un moment on commence à ne plus être juste des pseudos et des avatars – et à vous mettre un coup de pied aux fesses quand il faut.

Q – Qu'est-ce qui te donne envie de te proposer bêta/alpha sur un roman ?

R – J’ai bêta-lu deux textes en alpha, Quadruple assassinat dans la rue de la morgue de GabrielleTrompeLaMort et un autre projet actuellement en pause. J’ai dû laisser passer d’autres histoires qui me plaisaient, soit parce que je n’en avais pas le temps, soit, pour certaines, parce que je voulais attendre l’entrée en phase III, ne me sentant pas d’attaque pour manger un texte tout cru.
Si je regarde donc les cinq ou six soumissions que j’ai bêta-lues ou que j’aurai aimé bêta-lire, leur point commun c’est que, souvent, elles n’en ont pas. Je peux être attirée par un personnage, un contexte. Je peux aussi avoir envie de bêta-lire un texte non pas parce que l’histoire en elle-même me plaît, mais parce que je sais que je peux aider l’auteur, que j’ai la force – les connaissances, la manière de voir, etc. – nécessaire pour lui montrer comment son texte fonctionne ou ne fonctionne pas. Cela paraît peut-être très présomptueux, mais c’est ma façon de voir.

Q – Quel chantage horrible as-tu subi pour soumettre ton roman ?

R – Les souvenirs de cette période sombre sont un peu effacés de ma mémoire. Ici je me permets un conseil de vieille grand-mère aux jeunes grenouilles qui viennent sur la Mare.
Je suis donc arrivée sur le forum toute guillerette, avec derrière moi quelques années d’auteurs de fanfiction plutôt choyée – je n’ai jamais eu beaucoup de lecteurs, mais ceux qui lisaient adoraient – et je me suis mise à bêta-lire et à proposer quelques textes, dont le début des Invisibles.
L’accueil a été bon, je me suis faite assez vite au principe de la bêta-lecture. Du coup, je me suis dit que je pouvais très bien poser ma candidature en tant que lectrice et soumettre mon roman. Qui a été accepté. J’ai pris tout cela de façon vraiment très légère. Après tout, j’avais fini mon premier roman – un exploit ! – et je savais que j’écrivais bien – on me l’avait toujours dit – alors pourquoi s’en faire ?
En fait je n’ai subi aucune pression, il me semble, pour soumettre mon roman ; la pression, je me la suis mise après…

Q – Quelles ont été pour toi les avantages d'un Directeur (puisque que tu as entamé ton cycle avec l'ancienne version, où au lieu de deux alpha lecteur le manuscrit passait sous le regard acéré d'une seule personne - mais plus longtemps) puis de deux bêta-lecteurs ?

R – Un cycle de bêta-lecture n’est pas tout le temps un long fleuve tranquille, et, effectivement, les Invisibles sont entrés en soumission pendant la version 1 du cycle, et bénéficient aujourd’hui de la version 2, que je trouve ô combien mieux adaptée.
J’ai été suivie par un Directeur, Ereneril, qui m’a fourni une fiche de lecture détaillée après une première lecture du texte, puis des bêtas détaillées sur plusieurs chapitres. Un travail de fou ! C’est la fiche de lecture qui m’a fait un effet coup de poing : tout n’était pas à refaire mais disons… presque tout. Et il y avait plein de détails dont je n’avais pas conscience.
J’avais pensé : j’aime bien la SF grand public, je connais Star Wars par cœur, j’ai ma petite culture cinéma, je sais donc écrire un roman de space opera. La fiche de lecture – qui reste à ce jour un de mes plus précieux outils de travail – m’a dit : tu peux écrire un space opera, oui, mais le savoir, tu ne l’as pas encore tout à fait. C’est le genre d’expérience qui vous bouleverse quand même un peu.
J’ai mis longtemps avant de me décider à reprendre mon texte. Ereneril et Syven m’ont proposé de passer en correction toute seule – c'est-à-dire passer à la phase II du cycle actuel, phase qui n'existait pas dans la première version –, grâce à la version actuelle du cycle, et j’ai pu respirer, retravailler mon texte sans trop de pression et reprendre un peu du poil de la bête.
Après, j’ai eu droit à deux bêta-lecteurs en phase III. Travailler à trois est une expérience différente, mais j’avoue que je ne pourrais pas trop dire quels sont les avantages et les inconvénients de l’un ou de l’autre. BeC et Desienne ont par contre une manière de travailler totalement différente de la mienne : ils travaillent en tableau, avec des notes, des couleurs, c’est très carré, et j’ai eu un peu de mal à m’y faire – moi j’écris à l’instinct, juste avec mon traitement de texte. Mais du coup, redécouper mon texte est devenu plus simple. Je pense aussi que leur coup de maître réside en une chose : avoir su se mettre à mon niveau. J’ai découvert que je ne connaissais pas la science-fiction, et quand on écrit un livre de SF et qu’on veut le voir publier, ça la fout un peu mal. Du coup j’ai passé un bon mois, pendant ma phase III, à lire ce qu’ils me conseillaient, et qui tenait en un seul nom, MacMaster Bujold. Là aussi c’est le genre de conseil qui débloque beaucoup de choses.
Je suis encore en phase III, je retravaille quasiment tous mes chapitres ligne par ligne. C’est très long. Mais c’est une expérience formidable, quoiqu’éreintante.
Donc, si un jour vous souhaitez proposer votre roman en soumission, offrez aux bêta-lecteurs un texte digne de leur dévouement – je vais me faire taper dessus, plus personne ne voudra soumettre (rires).



Q – Tu écris des nouvelles en parallèle de ton cycle sur les Invisibles ; travailles-tu également sur un ou plusieurs autres gros projets ? Et que t'a apporté et t'apporte encore ton expérience sur les Invisibles dans ces autres projets (pour les nouvelles et aussi d'éventuels autres romans) ?

R – Les nouvelles sont à la fois la forme de texte que je préfère et des moments d’écriture où j'écris comme je veux, libérée de la discipline des corrections. J’en ai écrit plusieurs depuis mon arrivée sur le forum ; certaines sont passées en bêta-lectures, d’autres non. Cela dépend souvent de mon humeur ou du temps que j’ai à y consacrer, parce que les corrections d’un texte prennent souvent deux fois plus de temps que l’écriture en elle-même, et même sur une nouvelle, cela peut faire beaucoup. Deux des nouvelles que j’ai faites relire aux grenouilles ont été publiées. Ma plus grande fierté reste un texte écrit très vite, passé également très vite en bêta-lecture, corrigé vite, et paru dans l’anthologie Créateurs, inventions et savants fous aux éditions Hydromel, sous le titre Verre brisé. Passer d’une page blanche à une nomination au second tour du prix Rosny aîné, c’est quelque chose de très bizarre, d’euphorique, de rare. Le partager avec CoCyclics et un éditeur que j’apprécie, là, c’est une expérience que je souhaiterais renouveler !
Mais voilà il faut se concentrer sur le présent, soit plusieurs romans en cours – l’un est mon projet 2010, du fantastique urbain assez violent, mais je ne suis pas certaine de pouvoir le finir avant le 31 décembre – et un projet de recueil de nouvelles, très loin du space opera, plus ancré dans le fantastique poisseux et contemporain.
L’expérience sur les Invisibles m’a permis essentiellement de visualiser mes limites. Je tâtonne parce que j’aime tout et que je voudrais tout écrire (science-fiction, fantastique, fantasy, mais aussi thriller et littérature blanche). Ce n’est pas possible, du moins pas pour l’instant, pas sans préparation. Les corrections importantes sur ce roman m’ont fait prendre conscience du travail préparatoire nécessaire avant de pouvoir écrire « pour écrire ». Depuis, je ne peux plus commencer un seul texte sans un plan relativement précis, sans en connaître la fin. Tout auteur – ou du moins la majorité – l’apprend d’une façon ou d’une autre, ce n’est pas très original.
Et la dernière chose que m’ont apporté les Invisibles, c’est la patience. Pour quelqu’un qui ne pouvait s’empêcher de faire lire ses textes dès le point final mis, sans même se relire, ce n’est pas négligeable.

1 commentaire :

  1. Super à toi de partager ton expérience, Célia !
    Un témoignage très intéressant. Merci !

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