dimanche 4 octobre 2015

Kisasi d'Aurore Perrault : dernière publication de Griffe d'Encre

Couverture de Kisasi, d'Aurore Perrault

Aujourd'hui, nous partons en Afrique, direction Kisasi ! Non, ce n'est pas une ville du Kenya ou une région perdue du Delta de l'Okavango, mais le titre de la novella d'Aurore Perrault alias Chapardeuse. Desienne est allé l'interroger sur la genèse de l'histoire et sur sa publication.

Tout d'abord, Kisasi sort à la fin octobre aux Éditions Griffe d'Encre, donc félicitations ! Comment s'est effectuée la rencontre avec leur équipe ?
Le forum des éditions GE est l'un des premiers sur lequel j'ai osé m'inscrire en 2008, quand j'ai commencé à mettre le pied dans le petit univers de la SFFF française. J'aimais leurs textes alors j'ai proposé à Magali et Menolly de leur donner un coup de main, ce qui m'a permis d'effectuer beaucoup de relectures de textes finalisés et un peu de corrections éditoriales sur l'anthologie Virus. Parallèlement, j'ai participé à presque tous les appels à textes de Griffe d'Encre mais mise à part ma nouvelle dans l'anthologie L'Air, mes textes n'ont pas convaincu... jusqu'à Kisasi.

Peux-tu nous présenter Kisasi, un roman fantastique mais pas seulement... une histoire qui résonne.
Kisasi se déroule en République Démocratique du Congo, plus précisément au Nord-Kivu, où nombre de cas de violences envers les femmes sont encore recensés. Ce roman met en scène deux personnages que tout oppose : Aïssata, Congolaise, ancienne victime qui a choisi la voie de la vengeance, et Charles, un médecin français en mission humanitaire. Tous deux maîtrisent un don qu'ils exploitent pour accomplir ce qu'ils pensent juste, mais qui va aussi les amener à s'affronter.
Comme je l'explique dans les notes d'accompagnement du texte, c'est le visionnage du reportage « Le viol, une arme de guerre au Congo » de Susanne Babila qui a tout déclenché : l'idée de Kisasi et l'envie d'en savoir plus. On trouve facilement de bonnes sources sur ce sujet ; ce qui est décrit dans les rapports m'a fait froid dans le dos et dès lors j'ai ressenti le besoin d'écrire cette histoire.

Kisasi est passé par le cycle en 2012 et comme tu l'as récemment confié : « je me souviens bien de la synthèse, elle piquait un peu ! Mais quel bénéfice pour le texte ! ». Justement, qu'est-ce que ce travail avec les alphas et bêtas lecteurs t'a apporté ?
Kisasi était bien plus court à l'origine, seulement 23 pages et mes alphas m'ont concocté une synthèse critique de… 26 pages ! À la première lecture, on se dit que le texte est bon à jeter. À la seconde, que les remarques sont extrêmement judicieuses. Et après la troisième lecture, on se met au boulot.
Tout en gardant la trame originale, j'ai réécrit presque entièrement le texte, modifié le personnage de Charles et travaillé à distiller les informations sur le contexte géopolitique de façon plus fluide. Le travail de mes bêtas a permis de peaufiner le texte et de clarifier certains passages. Il faut aussi mentionner l'intervention indispensable de mes deux « spécialistes », qui m'ont aidée à donner de la couleur à mon Afrique et du corps à mon dispensaire et son personnel.
Ce travail a été très enrichissant non seulement parce que le roman final a vraiment gagné en qualité, mais aussi parce qu'il m'a permis de mieux appréhender mes défauts d'auteur, ce qui me sert pour les textes que j'écris maintenant.

Pratiquement trois ans ce sont écoulées depuis l'estampille. Il faut s'armer de patience ! Comment as-tu géré l'après estampille, la recherche, les péripéties en tous genre qui émaillent le parcours du roman jusqu'à sa publication ? Et quel conseil donnerais-tu ?
J'ai eu beaucoup de chance : l'annonce de l'estampille de Kisasi est parue dans la lettre partenaires de CoCyclics, et plusieurs éditeurs m'ont demandé le texte. 15 jours plus tard, Griffe d'Encre m'a dit oui. Et je me suis laissée vivre pendant deux ans et demi. ; )
Si j'avais un conseil à donner, ce serait de n'envoyer son texte qu'aux éditeurs avec qui on a envie de collaborer. Comme dans toute relation professionnelle, la confiance est un facteur déterminant pour travailler ensuite dans de bonnes conditions.

Après le oui de l'éditeur, il y eu les corrections éditoriales, comment ça s'est passé chez Griffe d'Encre ?
Connaissant Menolly, je craignais des corrections très pointilleuses, mais il n'y a eu que quelques points de détail. C'est là qu'on apprécie d'avoir bénéficié de regards extérieurs !

Kisasi est une histoire dure, le genre qu'on prend en pleine figure, qui fait réagir. Comment en tant qu'auteure tu vis ce genre d'écriture qui peut être éprouvante sur le plan émotionnel ?
Quand j'écris un roman, j'y pense sans arrêt, je construis les scènes dans ma tête avant de les rédiger. Pour Kisasi, ça a été difficile de baigner en permanence dans cette ambiance, mais l'écriture a été libératrice. De plus, j'ai écrit et corrigé très vite ce texte ; c'est la durée qui devient pesante.
En revanche, même si le roman baigne dans un climat de tension latente, je n'ai volontairement pas fait étalage de scènes violentes gratuites, qui n'auraient rien apporté au texte. J'ai préféré confronter les points de vues de mes deux personnages, qui ne vivent pas cette violence de la même façon.

Appréhendes-tu la réaction des lecteurs ?
Je me doute bien que certains lecteurs ne voudront pas se plonger dans un texte qui aborde un sujet si dur, et c'est légitime. L'illustration comme la quatrième de couverture reflètent bien le contenu du texte, les lecteurs les plus sensibles sont prévenus.

Aïssata est le personnage central de l'histoire, une femme émouvante, une victime qui n'est pas "angélisée" et capable à son tour de cruauté. Comment as-tu caractérisé ce personnage ?
J'ai voulu faire d'Aïssata une femme implacable. C'est une victime dont la vie a été brisée, et qui a trouvé un objectif dans la vengeance. Elle garde toujours des stigmates qu'elle dissimule derrière sa colère et sa haine envers ses bourreaux. Je l'ai voulue complexe, sur le fil : on ressent de la compassion pour elle, mais on peut désapprouver ses méthodes ou sa vision des choses.

À l'opposé d'Aïssata, Charles possède un pouvoir bien particulier, celui d'effacer la douleur. Les pouvoirs, les dons, la sorcellerie sont au coeur du folklore africain, et finalement, ne seraient-ce pas des malédictions pour ces habitants ?
Je pense que tout dépend de la manière dont on utilise ces pouvoirs et de l'éthique qu'on y place. Dans Kisasi, j'ai choisi de ne pas prendre parti pour l'un ou l'autre de mes personnages, chacun s'identifiera à celui dont la vision est plus proche de la sienne.

L'humanitaire est un autre thème important du roman, est-ce que tu as été inspiré par les fameux "French Doctors" ? Est-ce que tu t'es documentée ?
Non, pas du tout, je suis partie d'une vision purement africaine et je me suis plutôt inspirée du fondateur de l'hôpital de Panzi, le docteur Denis Mukwege (qui apparaît d'ailleurs dans l'histoire). Pour créer le dispensaire, j'ai demandé de l'aide à une amie médecin qui est partie plusieurs fois en mission humanitaire.

La choix d'une couverture fait partie des joies d'un auteur, comment est-ce que tu as travaillé avec l'éditeur sur ce sujet ? Et qu'as-tu ressenti au moment de découvrir les épreuves ?
J'avais une idée de couverture en tête mais Zariel a jugé que c'était trop « parlant » pour une novella. J'ai vraiment été emballée par sa proposition, qui est très proche de la version finale. Je trouve qu'elle illustre parfaitement le personnage d'Aïssata et la férocité qui l'habite.

Et pour finir, quels sont tes projets à venir ?
J'ai envoyé il y a peu à plusieurs éditeurs un roman dont les héros sont trois jeunes gens et seize chiens de traîneaux. Croisez les doigts pour moi !
En ce moment j'écris une novella de science-fiction dont l'héroïne est paraplégique. Et il reste quelques idées en train de mûrir dans ma besace, dont un projet d'écriture à quatre mains avec une amie. Pas d'angoisse de la page blanche en vue !

Merci d'avoir répondu à nos questions et nous te souhaitons le meilleur pour Kisasi.
Merci à vous !


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