samedi 15 octobre 2011

Et la jeunesse dans tout ça ?

A l'occasion de la sortie en librairie du Bateau vagabond, l'équipe de Tintama(r)re s'en est allée poser quelques questions à son auteur : genèse, cycle et littérature jeunesse !




Le Bateau vagabond est le second volume de Moana (Le premier étant La Saveur des figues). Comment as-tu abordé son écriture ? Est-ce que tu avais déjà un plan précis lors de la conception de La Saveur des figues ?

Après avoir écrit La Saveur des figues, je pensais m'arrêter là, j'avais tout défini avec précision et c'était un one-shot*. Quand il a été fini, mes proches l'ont lu et ils m'en ont demandé plus. Moi-même, j'avais du mal à laisser Moana, j'ai donc imaginé une suite en deux volumes. Je veux décrire la façon dont l'enfant devient adolescent avec ses défauts, ses illusions mais aussi son énorme appétit de vivre. Elle va connaître la révolte et son prix. Puis, dans le tome 3, son passage à la grande adolescence, le début de l'âge adulte où l'on découvre d'autres façons de s'affirmer que cette révolte ! Si Moana vous a conquis, Le Bateau vagabond est pour vous mais il faudra attendre le tome 3 pour avoir le fin mot de l'histoire.

Le premier volume n’est pas passé en cycle. Pourquoi as-tu souhaité que ce soit le cas pour Le Bateau vagabond ?

En fait, La Saveur des figues a été acceptée par mon éditeur, Saad Bouri, avant que je ne devienne bêta-lectrice, il n'était donc pas question que je fasse un cycle alors que le travail avec l'éditeur était déjà avancé. Mais c’était mon premier roman et je n'étais pas sûre de moi pour Le Bateau vagabond, j'avais besoin de confronter mon écriture aux grenouilles afin de mieux connaître mon style, de le dégrossir. J'avais peur qu'il ne plaise pas à mon éditeur : je me suis dit que la première fois, on surprend, la seconde, on risque de décevoir alors le faire bêta-lire, c'était rassurant. Je pense qu'il s'agissait pour moi de prendre confiance aussi. Je remercie mes alphas et mes bêtas pour le travail accompli sur ce roman. J'ai beaucoup appris et, quand je l'ai remis à mon éditeur, je n'avais pas le même sentiment que la première fois. Cette fois, j'étais auteure, et même mieux, une auteure qui assume ses choix, et ça, c'est le cycle qui me l'a donné.

Tu écris en jeunesse (et non en littérature « de passerelle », plus orientée vers les adolescents). Peux-tu nous parler un peu de ce « genre » peut-être mal connu par les lecteurs de l’imaginaire ?

Écrire en jeunesse, pour moi, c'est accepter certaines contraintes de style et de ton : on ne doit pas prendre les lecteurs pour de jeunes stupides ; il faut leur parler vrai sans pour autant oublier qu'ils n'ont pas autant de vocabulaire qu'un adulte, parfois moins de persévérance aussi devant les passages longuets. Aller à l'économie dans la description, réfléchir à une caractérisation efficace mais éclatée, privilégier des dialogues vifs à de longues explications psychologiques, éviter un vocabulaire abscons : tout cela me semble important. Pour autant, je fais très attention à ne pas tomber dans la pédagogie : ils lisent pour le plaisir et pas pour se voir asséner une morale bien-pensante. J'essaye d'éviter la caricature tout en abordant des thèmes qui me semblent importants à l'adolescence. Pour moi, la littérature passerelle concerne les grands ados, lycéens, jeunes étudiants : j'écris pour ma part pour les collégiens.

Les aventures de Moana contiennent un message écologique et trans-générationnel fort. Comment ne pas tomber dans le texte « à message » ? As-tu eu des difficultés à trouver un équilibre entre ces thèmes et l’aspect épique, l’esprit d’aventure de ton histoire ?

Ne pas tomber dans le texte « à message », c'est toute la difficulté et cela me parle d'autant plus que j'ai choisi le nucléaire comme fantôme de l'industrialisation massive. Avec ce qui s'est passé au Japon, j'ai peur qu'on n'y voit de la récupération quoique le livre ait été écrit bien avant. Je pense que le message ne doit pas être pesant : il est là, bien sûr, j'écris de l'anticipation pour véhiculer des idées, dresser le tableau d'un avenir inquiétant pour réfléchir à notre présent (non moins inquiétant) mais je veux aussi qu'on puisse lire les romans sans être dans l'obligation de tenir compte de ces messages et juste profiter de l'histoire. C'est le sens de mon pseudonyme : je l'ai emprunté à Rabelais qui dit de son Gargantua, en substance, qu'on peut le lire pour s'amuser mais aussi choisir de chercher un peu entre les lignes.
Les thèmes et l'aventure se sont mêlés naturellement, j'ai du mal à définir cet aspect de la genèse du roman : j'ai une intrigue en tête et des choses à transmettre, les deux s'emboîtent au petit bonheur la chance. C'est aussi à cause de cet équilibre approximatif que le passage en cycle me semblait nécessaire, pour vérifier que la sauce prenait.

Quelles ont été les réactions de tes jeunes lecteurs à la Saveur des Figues ? Quelles sont tes attentes (ou tes peurs) pour l’accueil du Bateau Vagabond ?

Les lecteurs de La Saveur des figues sont généralement ravis, j'en ai rencontré dans des classes, sur les salons et dans mon collège puisque le livre est au CDI. Ils n'ont pas trop aimé la couverture et m'avouent qu'ils ne l'auraient pas forcément choisi d'eux-mêmes mais finalement, ils le dévorent, même les lecteurs peu enthousiastes au premier abord et les libraires me disent que la suite est attendue. Il a plus souvent séduit les filles, certains garçons l'ont trouvé un peu lent, d'autres l'ont cependant adoré.
J'ai peur que cette suite ne plaise pas, que les lecteurs ne trouvent pas assez de réponses dans ce tome 2 ou que, l'effet de surprise passé, mon univers ne soit plus si attrayant mais j'essaye de me rassurer en me disant que tous les auteurs ressentent ça... gloups...
J'espère surtout que les gens en parleront autour d'eux, que le livre continuera son chemin et qu'ils auront envie de suivre Moana pour le tome 3.


* one-shot : histoire qui tient en un seul volume.

1 commentaire :

  1. Très bel entretien !

    Il est clair que s'adresser à la jeunesse est tout un art et j'admire les auteurs qui arrivent à faire passer des idées fortes sans faire "donneur de leçons".

    Bravo Silène !

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