lundi 27 octobre 2014

« Écrire… du bon pied ! » : Une masterclass avec Lionel Davoust


Dimanche 5 octobre, 10 heures.
C'était le dernier jour de la convention Octogônes à Lyon (http://www.octogones.org), consacrée au jeu et à l'imaginaire.
Lionel Davoust, auteur et rôliste de son propre aveu, donnait une masterclass d'écriture sur les lieux de l'évènement.
Les ateliers d'écriture animés par un écrivain SFFF, ça ne court pas (encore) les rues en France… Alors Tintama(r)re était présent au rendez-vous ! Petit compte-rendu de ce qui a été entendu.

Au lieu des deux heures prévues, la masterclass en a duré trois.
Lionel Davoust (L.D., ndlr) ne compte pas son temps lorsqu'il s'agit de parler écriture !
Dans la salle, il y a une bonne quinzaine de participants, pour la plupart débutants. Beaucoup se sont déjà essayés à l'écriture d'un premier roman SFFF sans forcément y parvenir. Ils sont venus écouter les conseils d'un auteur publié.
Et ça tombait bien, puisque la masterclass s'adressait tout particulièrement à eux.

© Mélanie Fazi


« Écrire pour soi… et écrire aussi pour les autres »

Dans son introduction, L.D. revient sur ce que signifie le métier d'écrivain.
Un écrivain, lorsqu'il souhaite être publié, écrit pour soi mais aussi pour les autres. L'auteur rappelle alors le fonctionnement de l'économie du livre en France. Il appuie sur l'importance des différents acteurs de la chaîne (« Sans auteur, pas de livre. Sans commercialisation, pas de public ! ») et sur le fait que, malgré les faiblesses relevées, l'édition à compte d'éditeur demeure aujourd'hui le meilleur système existant.

« Apprendre à écrire, c'est apprendre à se connaître »

La suite de l'atelier est consacrée à la technique.
Si la connaissance des codes narratifs est essentielle, L.D. admet qu'il n'y a pas de règle ou de recette toute faite à appliquer en matière de création. Le débutant doit d'abord apprendre à se connaître, déterminer quel auteur il est vraiment afin de se tourner vers les outils qui seront les plus à même de lui convenir : plutôt imaginaire ou « mainstream » ? Plutôt scriptural ou structurel (d'après la différenciation proposée par Francis Berthelot dans son livre Du rêve au roman) ?
Selon les réponses à ces questions, l'auteur en herbe suivra soit des pistes qui l'aideront à piloter à vue, d'une scène à l'autre, sans connaître la fin de son histoire (pour le scriptural) ; soit des pistes avec plans détaillés et imbriqués, fiches de personnage et une fin connue (pour le structurel).
En tant qu'auteur structurel, L.D. a suggéré plusieurs outils, tantôt analogiques (chemises cartonnées, post-its), tantôt numériques (logiciels de mindmapping, bloc-notes hiérarchiques comme Treepad ou Scrivener) afin d'organiser ses idées et son travail.

Le travail de l'écrivain est un exercice de funambule, entre juste usage des outils, préparation et lâcher-prise. Si l'inspiration est importante, la « trousse à outils » que représente la technique va donc l'être toute autant : c'est elle qui va permettre à l'auteur de cadrer ses envies, ses désirs, son foisonnement d'idées. L.D. cite Elizabeth George en soulignant que talent et passion ne sont rien sans la discipline, la « méthode » pour progresser en tant qu'auteur.
L.D. explique qu'il est aussi nécessaire de faire confiance à son instinct. « Le corps sait » lorsqu'une idée fonctionne : la persévérance est de mise, il faut creuser jusqu'à sentir cette pulsion personnelle qui nous fait dire qu'un choix est le bon.
Oui, le métier d'écrivain implique des exigences, des attentes et du travail.

« Mens-moi, mais fais ça bien »

Une fois que les idées bourgeonnent, que la trousse à outils adéquate se trouve à ses côtés, l'auteur doit alors bâtir la charpente de son histoire.
Élisabeth Vonarburg, dans son ouvrage Comment écrire des histoires, explique que l'auteur fait des choix d'emphase et d'élision pour donner cette illusion de la réalité. « Mens-moi, mais fais ça bien », cite L.D. La fiction, même si elle n'est qu'une fiction, doit « faire sens » pour le lecteur. La notion de « causalité narrative » est importante : toute cause entraîne une conséquence et, par ricochet, toute conséquence doit être étayée. L'exemple du fusil de Tchekhov est repris : l'histoire a besoin d'un fusil à l'acte III ? Il est alors nécessaire de l'insérer à l'acte I. Cette causalité narrative se travaille à différents niveaux (d'une phrase à l'autre, d'une scène à l'autre, sur l'ensemble du récit).

La cohérence est essentielle, tout autant qu'il est essentiel de « pousser [les lecteurs] à continuer de lire ».
Pour cela, il est nécessaire de savoir ce qui compte dans l'histoire : susciter l'attachement aux personnages, suivre (ou non) les attentes du genre, prendre soin du rythme et du suspense constituent des clefs de travail, pour que le lecteur se demande toujours ce qui arrivera ensuite.

« Une histoire, ce sont des volontés »

De plus, afin d'en construire la structure, il est essentiel de définir ce qu'est véritablement une histoire. Pour L.D., c'est un ensemble de volontés : volontés des personnages, volonté de l'histoire (discours, cohérence interne), volonté de l'auteur.
Ainsi, on entre dans une histoire à travers des personnages et leurs volontés. Par exemple, Bilbo dans Bilbo le Hobbit veut partir à l'aventure. Cette ou ces volontés vont alors rencontrer l'adversité ; s'ensuivra une résolution à travers des péripéties et l'atteinte du but (ou non) : on obtient alors là le cheminement symbolique de l'histoire. L.D. note aussi que la notion de conflit (narratif, et non pas « conflit » au sens large) est importante pour la construction de ce cheminement.

« La scène fait avancer l'intrigue »

En dernière partie d'atelier, L.D. a fourni quelques pistes pour la construction des scènes.
Des questions à se poser : « Que vivent les personnages ? », « Que savent-ils ? », « Où en est l'opposition ? », « Quel est le problème le plus pressant ? », « Quelle réponse unique lui apporter ? »… peuvent aider à bâtir la scène pour que celle-ci fasse avancer l'intrigue. Par l'application d'une volonté à une résistance, dans un décor intéressant, et en glissant (si possible) de l'inattendu pour le lecteur, la scène doit toujours permettre de faire évoluer l'histoire.
Dramatiser (mettre en scène, le connu show, don't tell), dominer le flux du récit (en choisissant quoi narrer, quoi omettre, en maîtrisant la tension narrative) ont fait partie des autres conseils promulgués durant la masterclass.

« Le travail est dur… mais n'oubliez pas le plaisir ! »

Ce qu'on retiendra, c'est l'importance d'apprendre à se connaître (trouver ce qui marche pour soi, construire son propre processus mais savoir en changer), d'être lecteur pour devenir auteur, et de trouver du plaisir dans l'écriture. L.D. a aussi souhaité rappeler les règles éditées par Robert A. Heinlein :
- Écris
- Finis ce que tu commences
- Évite de réécrire (sans fin, car il faut savoir passer à un autre projet)
- Place ton travail sur le marché
- Garde-l'y jusqu'à ce qu'un éditeur le prenne

Une belle conclusion pour une masterclass enrichissante. On en redemande !
À noter que Lionel Davoust tient un blog d'écrivain recelant une mine d'informations et de conseils sur l'écriture. Pour le consulter, c'est par ici : http://lioneldavoust.com

Merci à Lilie pour ce compte-rendu !

4 commentaires :

  1. Merci pour ce compte-rendu très intéressant ! Et maintenant, au boulot ;)

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  2. Voilà qui donne envie de s'y mettre ! Merci pour ce CR !

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  3. Vraiment super intéressant cet article et merci pour l'adresse du blog.

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  4. Je me permets un petit bémol : le fusil de Tchekhov n'est pas du tout un bon exemple de causalité narrative (i.e. "un tout qui fait sens") mais un très bon exemple (pour ne pas dire le meilleur et le plus connu) de préparation-paiement (i.e. "un tout sans trou").

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