samedi 16 octobre 2010

Une bêta s'assume et parle à visage découvert : Moi, Pandora D, 38 ans, adepte du fouet, bêta-lectrice

CoCyclics, ce sont des auteurs, mais aussi des bêta-lecteurs. Nous vous invitons donc aujourd'hui à partager l'expérience de Pandora, pendant une séance de divan assez... particulière.


Docteur Ski Zofrène : Bonjour, Pandora. Allongez-vous je vous en prie. Je préfèrerais cependant que vous laissiez votre fouet à l’entrée…

Pandora Delamare : Pardon docteur ! Je peux garder mes jambières ?

Dr S: Oui, si vous ne salissez pas le divan. Cela fait longtemps que vous vous promenez avec ce fouet ?

Pandora : Non... Comme pour beaucoup de grenouilles, cela remonte à mon arrivée dans la mare. Dans mon cas, c'était en avril 2009. Mais ce n’est pas moi qui ai commencé !

Dr S : Mhhh ?

Pandora : J’ai posté mon premier texte sur le forum. Vous savez, celui que mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs (oh oh…) et tous mes amis considéraient comme un chef-d’œuvre. Sauf que les bêta-lecteurs de la mare n’ont pas été de cet avis…

Dr S : Alors, vous avez décidé de vous venger en les punissant tous ?

Pandora : Non, pas du tout ! C’était justifié. Une fois passée la déception et la digestion des commentaires, et ravalé ce qu’il me restait d’amour-propre, j’ai repris mon texte. Ils avaient raison !

Dr S : Et vous êtes devenue une adepte du fouet ?

Pandora : Pire, la bêta-lecture est devenue la petite faiblesse qui me perdra. Actuellement, je bêta-lis d’ailleurs plus que je n’écris. Mais ça n’a pas été facile…

Dr S : Vous aviez peur de fouetter ?

Pandora : Non, ça j’adore ! Mais j’avais peur de mal faire. Comprenez-moi, il y a tellement de choses auxquelles il faut penser quand on bêta-lit : la forme, tant sur le plan de l’orthographe et de la grammaire que des répétitions et des tournures de phrase. Le fond, en cherchant les incohérences ou les points à développer. Une bonne bêta doit montrer ce qui ne va pas, mais aussi mettre en évidence les points forts. Enfin, elle doit être critique tout en restant délicate. Une mission presque impossible !

Dr S : Comment s’est passée votre première fois ?

Pandora : J’ai oublié beaucoup de choses, forcément. Mes premières bêtas ne resteront pas dans les annales, mais j’espère qu’elles auront été un peu utiles aux auteurs.

Dr S : Et ensuite ?

Pandora : J’ai persévéré en confrontant mes retours à ceux de bêta-lecteurs plus aguerris pour apprendre à bêta-lire mieux. Je savais que d’autres remarqueraient ce que j’aurais pu ne pas voir ou ne pas savoir ; que d’autres moduleraient mes ressentis parce que les parcours et les sensibilités de chacun différent. L’un des atouts de CoCyclics est de proposer pour un même texte plusieurs regards subjectifs et complémentaires. La bêta-lecture est d’ailleurs très formatrice pour sa propre écriture…

Dr S : Continuez…

Pandora : Puis j’ai posé ma candidature et j’ai été acceptée dans le collectif des grenouilles bêta-lectrices de la mare. On m’a fourni le fouet officiel, vous savez, celui avec les lanières assorties au cuir marron des jambières. J’étais tellement fière, je n’arrêtais pas de me pavaner sur mon nénuphar…

Dr S : Et c’est à ce moment que vous êtes devenue une psychopathe du fouet ?

Pandora : Pas du tout ! J’essaie de commenter avec pertinence et à bon escient. Bêta-lire n’est pas un acte anodin, tout auteur est sensible à la critique et passe par des phases de découragement dans lesquelles des mots trop durs peuvent devenir toxiques. J’en sais quelque chose…

Dr S (dans sa barbe pour lui-même) : Des sadiques du fouet et des auteurs masochistes... Ce n’est pas une mare, c’est un asile de fous !

Pandora : J’ai alors pu bêta-lire dans le cadre des cycles CoCyclics où ce n’est plus une nouvelle mais un roman entier (ou une novella ) qui est travaillé. Un auteur soumet son manuscrit et, s’il est accepté par le collectif, deux binômes de grenouilles l'accompagnent tour à tour, en phases "alpha" puis "bêta", pour l'aider.

Dr S : Je ne vois pas ce qui change…

Pandora : C’est beaucoup plus long, la bêta-lecture se fait chapitre après chapitre durant plusieurs semaines : il faut ménager son poignet. Il ne s’agit pas de se faire une tendinite ! Ensuite c’est une collaboration qui permet beaucoup d’échanges avec l’auteur et la ou les grenouille(s) co-bêta-lectrice(s), pour préciser ou développer certains points. C’est l’un des aspects que je préfère. Enfin, ça permet de découvrir des histoires très sympathiques qu’on espère voir éditées ensuite.

Dr S (dans sa barbe): Et gagner le Goncourt, tant qu'on y est !! (plus fort) Comment vous définiriez-vous comme bêta-lectrice ?

Pandora : Je suis une bêta-chieuse, très pointilleuse. J’ai un côté rouleau-compresseur qui me fait souvent m’interroger pour ne pas être bloquante. Je suis moins diplomate que d’autres mais j’essaie de ne jamais dire plus que je ne saurais entendre. Je crois que j’apprécierais mes bêtas si je les recevais en tant auteur

Dr S (marmonne en griffonnant sur son carnet): Un dédoublement de la personnalité maintenant ! Une bêta-lecture, c’est donc aussi tenir compte de l’auteur ?

Pandora : Oui, ce n’est pas facile pour un auteur de s’engager dans un cycle CoCyclics en proposant son manuscrit : c’est une sorte de bébé dans lequel il s’est beaucoup investi.

Dr S (pour lui-même) : Il ferait mieux d’investir en bourse !

Pandora (fait mine de n’avoir rien entendu) : En se lançant dans un cycle, les auteurs savent qu’ils prennent le risque de se voir suggérer de retravailler considérablement leur roman. C’est donc une énorme marque de confiance de recevoir un manuscrit à bêta-lire. Une responsabilité aussi, avec l’engagement d’accompagner l’auteur pour l'aider à l'améliorer. En contrepartie, j’essaye de peser mes retours plus encore que pour les nouvelles, d’être à l’écoute et d’expliquer mes ressentis. Mon fouet claque moins fort, je vieillis peut-être…

Dr S : A moins qu’il n’y ait un cœur qui batte derrière votre armure de bêta-lectrice…

Pandora : Mon Dieu, vous croyez ? Je vous préviens, si ça sort de ce cabinet, je vous attaque pour violation du secret professionnel !

14 commentaires :

  1. J'adoooore, je me suis fendu la poire et super clair et vivant, bravo !!

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  2. Pour avoir subi les coups de fouet de Pandora, je vous assure que ça cicatrise très bien ! Pas de trauma visible, donc. ;p

    Article très sympathique, j'espère que ça donnera envie à d'autres grenouilles de se lancer et de nous rejoindre dans le collectif des bêta-lecteurs de romans !!

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  3. Rassurez-moi, docteur... ça ne se guérit pas ? ^^

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  4. Pandora, je crois que tu es définitivement atteinte... :))
    C'est incurable !

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  5. Ah oui très sympa cet article ! Vivent les grenouilles fouetteuses !

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  6. Consultation très intéressante et rigolote, mais qui fait un peu peur côté fouet :p

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  7. Très bien faite, cette petite "interview"!

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  8. Et encore, Pandora n'a pas abordé le côté bondage... (c'est très attachant, ces auteurs qui redemandent du fouet... ^^).

    *déjà sortie*

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  9. Rhooo, Roanne ! (je fais ma petite ingénue, vous constatez ?^^)

    Pandora, j'ai beaucoup ri et je me suis vraiment retrouvée en tant que bêta-lectrice. Je crois qu'il est temps que j'aille voir un docteur moi aussi...

    Bravo !

    Garulfo

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  10. Hé bé, en voilà une mare bien frétillante ^^
    Un grand merci à tous, je suis heureuse de lire que vous vous êtes autant amusés à lire ce billet que moi à l'écrire.

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  11. je t'ai bien imaginée en grenouille portant le fouet Pandora... ;-)
    En tout cas, j'imagine bien la difficulté d'être responsable de la relecture d'un texte. Il faut savoir apporter quelques améliorations sans trahir la pensée de l'auteur et j'imagine que certains coups de fouet peuvent faire très mal s'ils sont mal dosés... Un vrai travail de pro...
    Ton Dr Sky Zofrène et l'idée de cet interview sont super ! Bravo !

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  12. J'adore cet article. Je l'ai lu plusieurs fois, il me fait sourire à chaque lecture, et en plus... c'est tellement vrai !!

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  13. (n'empêche, ça valait le coup cet article juste pour voir Garulfo jouer l'ingénue, quand on connait son expertise côté tenue de fouet...^^)

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