dimanche 5 juin 2011

Speed-dating, saison 3

F-I-N. Trois petites lettres en bas de page. Ça y est ! Manuscrit bouclé, relu, corrigé, bêta-lu, recorrigé. Soupir de soulagement de la jeune grenouille. Le plus dur est fait. Elle peut aller dormir en paix, bercée par une douce euphorie.

Au matin, toutefois, son sourire s’efface. L'étape suivante lui était sortie de la tête. Ce bébé qu'elle a mis au monde, il faut à présent le proposer à un éditeur. Le marier, déjà ? À qui ? Comment ?

Frénétiquement, elle consulte les sites Internet. Quelle ligne éditoriale convient à son petit ? Faut-il des envois par courriel, par la Poste ? Avec ou sans synopsis ? Et que mettre dans la lettre d'accompagnement ? Ne faudrait-il pas qu’elle tente d’aborder un éditeur lors d'un festival ?
À l'aide ! Où a-t-elle rangé le Grimoire Galactique des Grenouilles, le guide des éditeurs SFFF ?

C'est alors que, comme un éclair dans la nuit, paraît l'annonce. « Speed-dating des Imaginales ». Son mari fronce les sourcils : c'est quoi, cette histoire ? Le cœur de la jeune grenouille se met à battre plus fort. Elle tente d'expliquer : rencontre en direct avec des éditeurs, dix minutes pour présenter son projet, occasion unique. Le bébé pourrait peut-être y trouver chaussure à son pied ! Le mari retourne à ses occupations : encore un truc d'écriture, rien de grave.



Notre grenouille, elle, détaille les conditions d'inscription. Quoi, un CV ? Qu'est-ce qu'on met dedans ? Un synopsis ? Au secours, elle n'a jamais su rédiger ces bêtes-là. Un « pitch » ? Résumer un roman en dix lignes, vous plaisantez ? Et pour la présentation, va-t-elle annoncer fantasy, fantastique, bit-lit ?
Pourquoi lui demande-t-on tout ça, d'abord ? Ce n'était pas le cas lors des deux premières éditons. Cette troisième s'annonce peut-être sélective. Elle relit en hâte les vingt premières pages pour s'assurer de l'absence de toute coquille déshonorante. Enfin elle envoie toutes les pièces demandées.

Les jours suivants elle garde le doigt enfoncé sur la touche F5 de sa boite de messagerie.
J-8 « Nous n'avons pas reçu votre dossier. » Sueurs froides. Renvoi.
J-4 « Dossier introuvable. » Désespoir. Renvoi encore.
J-2 « Votre participation est validée, rendez-vous vendredi à 17h15 à l'accueil du festival. » Soulagement.

Le jour J, elle retrouve une autre grenouille, également inscrite. Ouf, elle n'est pas seule pour marcher vers l’épreuve. Derrière le comptoir, l'hôtesse vérifie les noms. Tout va bien. Elle n'aura pas à montrer le message de confirmation, imprimé au cas où Murphy aurait été du voyage.
Sur le chemin, dernière répétition pour les présentations. On tente de deviner ce que recherchent les éditeurs. Bien sûr, un texte abouti, de qualité, qui pourrait plaire au plus grand nombre. Mais aussi un auteur avec lequel les corrections éditoriales se passeraient bien, qui aurait un bon contact avec les lecteurs aux tables de dédicaces. Stressées les grenouilles ? Jamais !

Le lieu de rendez-vous se situe en centre-ville dans un petit salon de thé, sympathique, mais difficile à dénicher : le mystère s'entretient. Les grenouilles prennent le thé, une tradition de la mare, accompagné de gourmandises : il faut prendre des forces, le cerveau a besoin de sucre pour tourner à plein régime !
Les autres auteurs débutants arrivent, au compte-goutte, une dizaine en tout.

À 18h, la porte livre le passage aux organisateurs des Imaginales accompagnés des représentants de trois maisons d’édition et... d'une autre grenouille ! Nadia Coste, qui publie « Les Fedeylins » cette année chez Gründ, est là pour assister les participants pendant leur phase d’attente. Elle les met très vite en confiance :
« Il y a deux ans, aux Imaginales, en milieu d’après-midi, je me dépêchais pour participer au premier speed-dating, tout comme vous en ce moment. Et aujourd’hui, en milieu d’après-midi, je me dépêchais parce que j’avais une conférence en tant qu’auteur publié ! »

Les noms des trois maisons d'édition représentées sont enfin dévoilés : Bragelonne, Mnémos et Rivière Blanche. Nadia rattrape en douce l'une des grenouilles prête à se sauver « parce qu'aucun d'entre eux ne publie de romans jeunesse ». Petite mise au point : les jeunes auteurs se trouvent là pour recevoir des conseils de professionnels, pas forcément pour décrocher un contrat d'édition.
Pendant ce temps, l'organisatrice explique les modalités pratiques : trois éditeurs, trois auteurs, dix minutes pour chaque auteur avec chaque éditeur. C'est parti !

Les portes se referment sur auteurs et éditeurs. Le reste relève du secret... Mais exceptionnellement pour les lecteurs de Tintamarre, nous soulèverons un petit coin du voile.
Il y a d'abord des questions :
Ce manuscrit a-t-il déjà été proposé à un éditeur ? Combien de caractères ? Que pensez-vous des petits éditeurs ? Envisagez-vous une série ? Quels sont les thèmes forts qui soutiennent votre récit ? Que cherchez-vous à faire passer ? Quelle est votre motivation pour écrire ? Que lisez-vous d’habitude ? De quel style êtes-vous le plus proche ?
Stress de la jeune grenouille, troublée par la table qui s'effondre au moment où elle commence sa présentation. Elle en oublie l'âge de son héros. Murphy n’est pas si loin, tout compte fait.
Suivent des conseils :
Ici le texte est un peu court, là vraiment trop long pour un premier manuscrit. Pour la jeunesse, renforcer ce rythme. Pour les adultes, tempérer ses descriptions. Un éditeur étudie la classification ou la typologie d’un texte, un autre suggère des pistes plus conformes à une ligne éditoriale, un troisième se montre intéressé, voire demande à reprendre contact.
Partout, des encouragements. Notre grenouille sourit : la voici à des kilomètres des lettres de refus type. C'est ça, la magie des Imaginales.

Une demi-heure passe vite. Déjà elle se retrouve dehors, une carte de visite en poche, un peu étourdie. Nadia, fidèle au poste, discute organisation, corrections, travail et contrats. Elle répond aux questions et n’hésite pas à présenter CoCyclics quand un auteur s’intéresse à la démarche du collectif. La jeune grenouille se sent fière de sa qualité de batracien. Deux ans auparavant, elle n'aurait peut-être pas osé. Là, elle a nagé dans le grand bain et elle n'a même pas bu la tasse. Joie. Le bébé, à défaut de trouver un fiancé, aura au moins fait de belles rencontres.

Qui sait ? Dans deux ans, peut-être rassurera-t-elle à son tour les candidats du speed-dating ?

3 commentaires :

  1. C'est une super idée et ça doit être très formateur pour les 3 grenouilles chanceuses. :o)
    Au bout du compte, seulement ces trois rdv, ou bien y en a-t-il eu d'autres à d'autres moments sur la durée des Imaginales ?

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  2. Le périmètre du speed-dating 2011 ne concernait, pour chacun des participants, que ces trois rendez-vous.
    Mais sur la durée des Imaginales, bien d'autres rencontres étaient possibles, prévues ou imprévues, qu'on ait été participant ou non du speed-dating.

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  3. Cette initiative est vraiment une chouette idée mais je n'ose imaginer le stress des participants auquels je dis : Félicitations !!!
    Et je croise les doigts ;-)

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